BRÈVE INTRODUCTION À LA RENCONTRE THÉRAPEUTIQUE
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Santé
- Date 26 mai 2023
BRÈVE INTRODUCTION À LA RENCONTRE THÉRAPEUTIQUE
Mes études s’achevaient. Un médecin qui avait de loin dépassé l’âge de la retraite me fit le présent d’une pensée, comme on passe un témoin. Elle avait mûri pendant ses longues années de pratique. Il me dit : Prends garde ! Si la médecine n’est pour toi qu’un ensemble de connaissances et de moyens de tous ordres, avec le temps, tu deviendras un vieux médecin qui suit de vieilles méthodes dépassées. Mais si ton art trouve sa source au coeur de la rencontre, alors, comme le bon vin, il s’épanouira.
J’ai mis du temps à comprendre. Et surtout à comprendre que je n’avais rien compris. J’imaginais que ce monsieur m’ouvrait très gentiment une porte béante. Je le remerciais. N’est-il pas évident que la relation que l’on entretient avec la personne qui demande une aide soit importante ?
Exit le vieux médecin. Il sortit de ma mémoire, jusqu’à ce que vingt ans plus tard un autre collègue le fasse ressurgir. Devant une assemblée, il tenait le même propos. Mais cette fois-ci je pouvais l’entendre. Après vingt années de pratique, il était devenu évident pour moi que ni la médecine ni la psychothérapie ne peuvent se résumer à la somme des connaissances et des techniques que nous avons à disposition. Ces corpus, changeant selon les époques, ne sont que leurs précieux outillages. Grâce à eux, vous pouvez alléger un symptôme et même le faire disparaitre, vous pouvez soigner quelqu’un. Mais les moments les plus importants, les plus décisifs, ceux qui permettent non pas de supprimer les symptômes d’une maladie, mais de découvrir les ressources pour la traverser, ne peuvent survenir sans une rencontre. Je comprends aujourd’hui que c’est de cela dont parlait le vieux médecin.
C’est de cela que j’aimerais partager aujourd’hui : les connaissances et les techniques, celles qui donnent les moyens de lutter contre une maladie, on finit par les oublier. Mais la santé, quant à elle, a besoin de l’entre deux d’une rencontre pour se déposer. La qualité que l’on parvient à offrir à une relation se purifie avec le temps, comme par décantation. Mais elle peut également s’exercer (voir la formation Saluto)
Aujourd’hui, certains rêvent d’une intelligence artificielle capable d’identifier pour chaque patient le meilleur médicament sans hésitation. On donne à la machine une liste de symptômes et elle recrache un diagnostic et le traitement ad-hoc. On pourrait rendre le médecin et le psychologue superflu. De même, certains misent sur la génétique afin de supprimer l’expression de certaines maladies. Beaucoup d’énergie est investie à ces recherches. À l’heure de Doctissimo et du Crispr (1), l’évocation de la relation thérapeutique comme vectrice de santé peut sembler complètement abstraite et décalée. Abstraite car n’évoquant rien de concret, au mieux une agréable conversation qui aura donné un peu de courage au patient esseulé. Bref, rien de très sérieux en comparaison de la puissance d’action des neurotropes. Quant au décalage, il est bien compréhensible. Il provient de ce que chacun ne se fait pas de la nature humaine la même représentation.
L’Homme-machine (2) est le nom qu’il est possible de donner à l’une de ces représentations. Elle n’a sérieusement plus été nommée ainsi depuis le XVIIIème siècle, mais elle est bel et bien devenue la plus courante de toutes. Elle est celle que l’Université de médecine a faite sienne et elle en déborde aujourd’hui très largement…
La suite de l’article se trouve sous ce lien : L’homme machine et la relation d’aide
Bonne lecture. Bien à vous
Guillaume Lemonde
(1) CRISPR (acronyme de Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats, soit en français courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées) désigne un ensemble de molécules qui permettent de modifier l’ADN de plantes et d’animaux avec une grande précision.
(2) L’Homme-Machine est un ouvrage de Julien Offray de La Mettrie publié anonymement à Leyde en 1748. La Mettrie pense que l’esprit doit être considéré comme une émanation de la fine organisation de la matière dans le cerveau humain : l’Homme n’est donc qu’un animal supérieur (comme l’automate de Vaucanson). La Mettrie étend à l’Homme le principe de l’Animal-machine de Descartes et rejette ainsi toute forme de dualisme, au profit du monisme, comme le fait la médecine d’aujourd’hui.
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