EXERCER LA CONFIANCE
Un article au sujet de la confiance… Comment l’exercer ? Je vais vous raconter ça.
Un être cher à mon cœur est actuellement hospitalisé en raison d’une maladie grave. Un traitement va être essayé, mais la situation est très sérieuse.
Pas besoin d’en dire plus. Vous imaginez facilement ce que cette personne et ses proches peuvent être en train de vivre. N’est-ce pas ? Un être cher pourrait mourir… On peut s’imaginer comment c’est !
Pourtant, vous pouvez également concevoir que ce que vous imaginez n’est pas la réalité… Ce que vous imaginez n’est que la projection de ce que vous vivez vous-même. Le chagrin que vous pourriez éprouver, la peur, les infinies nuances de tristesse et les espoirs nourris ou déçus par les événements de chaque jour, tout cela existe mais vous appartient tant et si bien, que cela ne peut vous renseigner ni sur ce que vivent les autres, ni sur ce que vit l’être qui est atteint de cette maladie grave.
Cet être cher, dans son lit d’hôpital, est demi conscient. Comment se sent-il ? Si je me laisse aller à mes projections, je vais avoir peur qu’il puisse se sentir seul, délaissé, ou qu’il puisse avoir mal, ou que sais.je encore.
Je prête à cet être cher les inclinaisons de mon propre monde intérieur.
Mais si je regarde bien ce qui se passe en moi, derrière le désir que l’autre ne souffre pas se trouve la peur de la souffrance que je porte moi-même (à méditer). Derrière la peur qu’il puisse mourir, se trouve la peur de le perdre.
Alors comment rencontrer cet être cher sans projeter les souffrance et les peurs de notre propre monde intérieure ? Comment être présent à cet être et rendre ainsi possible une rencontre pleine de ce qui est à vivre et non parasitée par des illusions.
Comment s’ouvrir à ce qui est et non à ce que l’on aimerait qui soit ?
Il est un petit exercice que je pratique depuis de nombreuses années et qui, en ce moment particulier où un être cher se trouve à l’hôpital, est particulièrement bénéfique.
Cet exercice offre de découvrir un espace à partir duquel il est possible de rencontrer la situation non pas comme on voudrait qu’elle soit, mais comme elle est.
La situation comme elle est, c’est la situation au présent.
La situation comme on voudrait qu’elle soit, ce n’est pas au présent.
Selon les cas, cette situation idéale se trouve au passé (cet être qui nous est cher allait bien autrefois) ou au futur (cet être qui nous est cher ira bien, je l’espère, alors qu’il ne va pas bien depuis quelques temps…).
Lorsque l’on voudrait la situation autrement qu’elle n’est, on polarise le temps. Il y a un passé qui est bien et un futur qui est mauvais. Ou l’inverse, on espère un futur meilleur et l’on repousse ce qui s’est passé de mauvais jusque-là.
SI VRAIMENT NOUS VOULONS NOUS EXERCER À ÊTRE PRÉSENT À CE QUI EST, NOUS AVONS À NOUS TENIR ENTRE LE PASSÉ ET LE FUTUR.
L’exercice se pratique donc en trois étape :
d’abord on peut se dire : cet être est dans ma vie.
Pas besoin de s’imaginer je ne sais quelle scène de la vie. C’est la sensation que cela fait de se le dire qui importe. Comment est-ce de me dire cela. À quel endroit, dans mon corps, puis-je ressentir cela ?
Dans un deuxième temps on peut se dire : cet être n’est pas dans ma vie.
Là non plus, pas besoin de s’imaginer pourquoi il ne l’est pas. Pas besoin de penser à un décès ou à un enterrement ou que sais-je encore. C’est juste la sensation que cela procure de se dire que cet être n’est pas dans ma vie, qui importe. Cette sensation est différente de la première. Elle n’a pas non plus à être jugée ou qualifiée. Elle a juste à être ressentie. Prenez le temps qu’il faut pour cela.
Avec ces deux étapes, on vient de s’ouvrir au passé et au futur.
Dans un troisième temps, l’exercice proprement dit consiste à être attentif aux deux sensations en même temps.
On se tient entre les deux sensations. On les laisse résonner en soi. On se souvient des deux en même temps. Il n’est pas besoin de réfléchir ou d’analyser. La tête reste tranquille. C’est mon attention offerte à ces deux sensations en même temps qui importe.
L’attention que je développe à cette occasion, provient d’un endroit à partir duquel je peux être avec ce qui est comme c’est et non comme je voudrais que ce soit.
Cette disposition peut être nommée CONFIANCE.
La confiance est cette activité qui n’attend rien de particulier (alors que le fatalisme et l’espoir sont des attitudes passives qui nous font attendre quelque chose de particulier).
S’approcher de l’être cher avec confiance, c’est lui offrir une présence propice à la rencontre. On devient disponible à celui qui est là, non saturé par le vacarme intérieur qui sinon nous rend sourd à force de vouloir ce qui est autrement que ce n’est.
Alors, celui que l’on rencontre, cet être cher qui est en train de mourir, aura la place de s’ouvrir, de s’offrir, de dire ce qui est à dire, de déposer l’essentiel, de se livrer. Peut-être…
En tout cas, cela sera comme cela doit être. Et quoi qu’il en soit, la rencontre se fera d’une façon ou d’une autre. La confiance que l’on offre, ouvre la porte de la rencontre.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
6 Commentaires
Je trouve ça très beau, l’idée de s’offrir s’ouvrir confiant à l’Autre
Merci Guillaume
Je ne comprends pas l’exercice comment ressentir « c’est être n’est pas dans ma vie » alors que c’est un être cher !
Est-ce plus facile en le formulant autrement ? Par exemple: ” cet être est dans ma vie ” / ” cet être n’est pas là ; est très loin ; est absent pour longtemps”
Bonjour,
Merci Guillaume pour ce témoignage et ces propositions afin de développer la confiance.
Je viens moi-même de perdre un être cher il y a 3 semaines, et la semaine qui a précédé son décès, elle était hospitalisée.
Elle avait 100 ans passés, encore bien présente les jours d’avant, mais cette fois, j’avais compris que ce serait le non-retour.
Personnellement, j’avais confiance en ce qui devait arriver, sans doute grâce à quelques “faux-départs” précédents, à 62 ans de vie “mitoyenne”, et à mon propre chemin. Oui, sans me vanter, j’avais confiance en ce qui devait se passer.
Mais j’ai été confrontée à ce qui est évoqué dans cet article : la projection d’une personne sur ce que je devais éprouver ressentir et manifester ! Un chirurgien très compétent voulait absolument opérer afin de soulager la grande malade. Je n’étais pas favorable… J’ai lu les reproches dans ses yeux, puis enfin ces paroles : “Mais… c’est votre Maman, on veut toujours garder sa Maman le plus longtemps possible, et ne pas la voir souffrir…” . Il se mettait à ma place et projetait sans doute ses propres sentiments à l’égard de ses proches.
Ne pouvant le contredire, j’ai lui ai laissé faire ses dernières investigations, et j’ai fait confiance en ce qui allait se passer. Tant pis pour mes préférences et mes contrariétés…
… Le chirurgien est revenu vers moi en m’annonçant, effondré, que les anesthésistes renonçaient à l’opération ! J’ai remercié !
Puis, la visitant avec moi, il m’a annoncé qu’elle n’en avait plus que pour 2 ou 3 heures !… Projection à nouveau de ses expériences passées…
… Maman est encore restée 3 jours, le temps qu’un prêtre vienne, que mes enfants lui parlent par téléphone, que je la rassure sur “la suite”. Bref, le temps que nous nous préparions tous, elle y compris.
Notre confiance et notre sérénité ont marqué les professionnels de ce Service !
Merci pour ce témoignage, Béatrice.