EXISTE-T-IL UN MOT POUR DÉSIGNER LE TALENT D’ÊTRE PRÉSENT À CE QUE L’ON PERÇOIT
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Exercices pratiques, Présence et attention
- Date 27 janvier 2023
EXISTE-T-IL UN MOT POUR DÉSIGNER LE TALENT D’ÊTRE PRÉSENT À CE QUE L’ON PERÇOIT…
Nous pouvons avoir l’impression d’être présent à ce que nous percevons alors qu’en réalité, la plupart du temps, nos perceptions sont voilées.
En effet, nous percevons quelque chose et un mouvement intérieur accompagne cette perception.
Il n’est peut-être pas très marqué, mais il existe. Nous sommes ouverts ou fermés à ce que nous percevons. Nous avons de la sympathie ou de l’antipathie, du désir ou du dégoût…
Ce mouvement du sentiment va influencer à son tour notre faculté de jugement, c’est à dire le point de vue que nous avons sur cette chose perçue.
Pour faire simple, si nous l’aimons, elle nous semble bonne et si nous ne l’aimons pas, elle nous semble mauvaise (C’est ce que Spinoza faisait remarquer dans son Éthique lorsqu’il explique que ce n’est pas parce qu’une chose est bonne que nous l’aimons, mais parce que nous l’aimons que nous la trouvons bonne).
Ce jugement va à son tour nous conduire à associer à cette perception des représentations analogues du point de vue du jugement que l’on porte.
C’est ainsi qu’une perception peut éveiller un souvenir (la madeleine de Proust) et qu’une idée entendue évoque d’autres idées.
Par exemple, on écoute quelqu’un et cela réveille en nous des souvenirs ou des idées. C’est ainsi que lorsque deux personnes discutent, elles peuvent, sans trop s’en apercevoir, ne pas être présentes à ce qui est dit par leur interlocuteur mais occupées par ce que cela provoque en elles (« Cela me fait penser à…). La conversation tourne bientôt au double monologue, chacun répondant selon ce qui résonne à l’intérieur plutôt que selon ce qui est communiqué… On ne s’écoute pas vraiment.
De même, on ne regarde pas forcément le magnifique coucher de soleil qui s’offre à nous mais ce qu’il évoque en nous :
« Oh, ça me rappelle un coucher de soleil que j’avais vu sur l’océan… » et c’est le coucher de soleil sur l’océan que l’on a devant les yeux…
« Oh, c’est plus beau qu’hier », et c’est hier que l’on regarde alors à travers aujourd’hui.
« Oh, cette lumière est si belle… Dommage que ce nuage là-bas, soit si sombre ». Et l’on focalise sur le nuage plutôt que de percevoir le coucher de soleil auquel il appartient.
De même, « J’aime cette musique… » et ce n’est plus cette musique que l’on écoute, mais comment les sentiments sont positivement mis en mouvement, ainsi que toutes les images, les souvenirs, les pensées qui viennent à cette occasion…
Bref…
Rien de problématique à tout cela :
ces automatismes sont ceux de notre condition humaine. Cependant ils sont également ceux de nos aveuglements.
Comme l’écrit Johann Wolfgang von Goethe, « Ce ne sont pas les sens qui nous trompent, mais le jugement ».
Ou encore Nicolas Malebranche, de la même façon : « Ce ne sont pas nos sens qui nous trompent, mais c’est notre volonté qui nous trompe par des jugements précipités ».
Alors comment ne pas être trompé de la sorte et rester avec ce qui est perçu ?
Comment être présent à ce que l’on perçoit ?
Cela demande une attention particulière à ce qui est et non à ce qui rebondit à l’intérieur… Plutôt que de passer d’un détail à un autre, d’un mot à un autre, d’un son à un autre, les garder tous ensemble dans leur profondeur.
Lorsqu’on est attentif à un tableau, par exemple, tout en regardant chaque détail, on garde l’ensemble du tableau avec soi. On ne passe pas d’un point à l’autre mais on focalise partout à la fois et nulle part en même temps.
Lorsqu’on est attentif à ce que quelqu’un peut nous dire, tout en écoutant chaque phrase et en saisissant chaque pensée qui est dite, on garde en soi tout le fil de l’exposé, on est attentif à garder tout le fil de l’exposé au présent. Plutôt que de rebondir à chaque mot, on a donc devant soi un panorama qui ne cesse de se compléter.
Vous trouverez un peu plus à ce sujet en suivant ce lien et en écoutant la vidéo associée.
Pour lors, le mot que j’utilise pour désigner ce talent est PROFONDEUR. La profondeur intérieure par laquelle est reçu le champ perceptif. Et le monde offre sa profondeur en même temps qu’elle se forme en nous. Un autre mot pourrait être TEMPÉRANCE. La tempérance qui n’est pas une frustration volontaire, comme parfois indiqué, mais une attention offerte à ce qui est perçu, au point de ne pas avoir à réagir à ce qui est perçu.
Guillaume Lemonde
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2 Commentaires
Oui, je peux voir quand je suis dans l’ÉCOUTE PROFONDE ou dans une écoute plus superficielle.
Quand je suis dans l’écoute profonde, c’est le divin en moi (mon soi supérieur) qui entend, qui voit, qui goûte… le divin de la “chose” vue, entendue, goûtée, touchée ou de l’être avec qui se réalise un échange… Et si des perceptions me viennent. Si je suis face à mon jardin, par exemple, je vois son besoin, quelle action il est bon pour lui, pour nous deux, que j’opère. Si je suis en connexion avec un autre être humain, des perceptions me viennent qui parfois génèrent des mots. Et ces mots, j’observe qu’ils ne proviennent pas de ma tête mais de mon centre…
Quand je suis dans l’écoute profonde, je réalise que c’est comme si mes perceptions venaient effectivement de l’à-venir de l’être ou de la chose avec lequel ou avec laquelle je suis connectée.
Alors que quand je suis dans une écoute superficielle, c’est effectivement un souvenir provenant du passé qui apparaît… Il s’agit plus d’une réaction. Merci de me permettre de nommer ce qui se passe en moi.
Quant à la notion de TEMPÉRANCE, je sens qu’il serait bon que je la contemple plus avant. Je “sens” qu’elle pourra m’ouvrir encore des portes, des opportunités (mot pour lequel je viens de découvrir dernièrement qu’il contenait la racine “porte” en lui). Merci pour ces graines de sagesse, car j’ai hâte de lâcher les habitudes réactionnelles qui perdurent dans ma façon d’entrer en relation avec les personnes que je rencontre dans un cadre “ordinaire” et de ne plus être que dans la contemplation de ce qui est tel que c’est… Sans réaction. J’ai de plus en plus le sentiment que c’est comme ça, seulement comme ça, que je pourrai contribuer à “sauver” le monde. En simplement contemplant ce qui est, je participe, je contribue à l’ad-venir…
Merci.
Merci, Mathilde, pour ce partage précieux.