QUAND LE JUGEMENT COMPENSE LE MANQUE DE PROFONDEUR
QUAND LE JUGEMENT REMPLACE LE MANQUE DE PROFONDEUR
Il y a quelques semaines encore, tous les titres des journaux tournaient autour de la fameuse Covid-19. Depuis 2 ans, c’était LE sujet. Rien d’autre ne semblait exister. La planète entière était hérissée de protéines de pointe. Notre attention était occupée par un virus. Elle était focalisée sur lui. Ce tout petit élément du monde avait eu, certes, de graves répercutions ; mais ces graves répercutions venaient essentiellement de ce que les personnes en position de décider de mesures à prendre, avaient focalisé, elles aussi, sur ce seul élément, tout en perdant la vue d’ensemble. En bref, la santé s’était vue réduite à l’absence d’un test PCR positif… Il fallait tout faire, coûte que coûte, pour que les PCR restent négatifs. Nous avons focalisé sur les PCR. Les conséquences sur la santé des gens, mais aussi sur l’économie et bien d’autres aspects ont été dramatiques… Nous n’allons pas ici refaire l’histoire.
Je note simplement qu’il n’est pas facile de ne pas rester focalisé sur un seul élément.
Naturellement, nous focalisons. Nous entendons un oiseau, puis une voiture passer, puis la cloche de l’église, puis le marteau piqueur… Nous passons d’une focale à une autre, sans arrêt ; regardons l’oiseau, voyons la voiture passer, puis nous regardons notre montre quand nous entendons sonner l’église, puis nous tournons la tête vers le marteau piqueur, etc. Nous aimons écouter l’oiseau, regrettons la voiture qui passe et qui fait taire l’oiseau… Nous sommes comme ce photographe qui inspecte un portrait et qui voit ici une rides, là un bouton, tout en oubliant de prendre du recul pour observer le visage en entier.
Il n’est pas naturel de prendre du recul, de regarder le visage en entier tout en observant précisément ses parties. Il n’est pas naturel de ne focaliser sur aucune d’elles, sans pour autant laisser le regard flotter. Non pas passer très vite d’un détail à un autre, mais tout tenir ensemble, paisiblement. Laisser se former le visage en soi. Prendre cette apparition en soi et découvrir que ce visage en dit bien plus que la somme de toutes ses parties. Cette attention n’a rien de naturelle.
Naturellement nous focalisons sur un détail puis sur un autre et nous nous retrouvons avec une somme encombrante de détails.
En matière d’information, il en va de même.
Un flot continu d’informations nous submerge et nous n’y voyons pas clair. Nous n’avons pas le recul nécessaire. Alors nous faisons le ménage. Nous trions ce qui nous semble vrai et ce qui nous semble faux. Nous faisons de l’ordre, selon des critères tout personnels.
Nous sommes comme ce photographe qui, plutôt que de regarder ce que le visage de la photo pourrait lui raconter, va effacer ici la petite ride, là le petit bouton et lisser toutes les aspérités qui ne lui plaisent pas, selon des critères tout personnels ; critères nés d’une inclination de sa sensibilité. Il classe ce qu’il voit selon des jugements de valeur qui lui appartiennent. Il se refait un monde à lui, en fonction de ses jugements.
Ses jugements remplacent son manque de profondeur. Il juge que cette ride doit disparaître de la photographie, car il lui est difficile de prendre du recul et de voir ce que le visage lui raconte. Il ne rencontre pas le visage, mais ses propres jugements esthétiques.
C’est parce que nous ne parvenons pas à être attentifs à l’ensemble des informations que nous recevons que nous sommes enclins à émettre des jugement au sujet de certaines d’entre-elles.
Plus nous manquons de profondeur et plus nous jugeons.
C’est ainsi que nous classons les gens en Pro et Anti. Il y avait les pro-vax et les anti-vax (le niveau zéro de l’approche thérapeutique). Aujourd’hui il y a les pro-russes et les anti-russes (le niveau zéro de la géopolitique). C’est le même phénomène, la même difficulté à rester attentif. La même difficulté à ne pas focaliser. La même difficulté à être présent à ce qui se passe.
Alors si votre opinion au sujet de ce qui se passe est bien établie, dites-vous juste que peut-être il serait intéressant de chercher d’autres sons de cloche, d’autres informations contradictoires et d’essayer de ne pas choisir celle que vous préférez. Essayez juste de garder toutes ces informations comme on peut garder en conscience tous les détails d’un visage sans pour autant choisir ceux qui nous plaisent et repousser les autres. Gardez en conscience les informations sans les trier.
Bien-sûr, lorsque l’on n’est pas assez attentif, il est dangereux de ne pas trier ses sources. Mais lorsque l’on parvient à l’être, alors c’est à travers la collecte des informations des plus contradictoires que se révèle un jour ce qui est plus grand que la somme de tout ce que l’on croit savoir.