CROYANCE : UN AVEUGLEMENT NÉCESSAIRE
CROYANCE : UN AVEUGLEMENT NÉCESSAIRE
C’est une question de point de vue… De là où l’on se trouve, on peut percevoir certaines réalités ou ne pas les percevoir. Quand on les perçoit réellement, c’est qu’on les rencontre. On en éprouve leur existence. Sinon, on les ignore et l’on ne peut que s’interroger à leur sujet. Plutôt que d’éprouver leur existence, on voudra des preuves.
Pour certains toutefois, même sans preuve, reste le besoin de croire que cette réalité existe ou qu’elle n’existe pas. (athéisme : besoin de croire que le monde spirituel n’existe pas).
Si ce besoin est là, c’est que cette croyance donne une orientation à notre vie. Elle lui donne du sens (en petit dans le cadre d’une recherche, comme en grand dans le cadre d’une existence).
Il y a une différence en croire et avoir la foi.
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La croyance en l’existence ou en l’absence de quelque chose est un aveuglement nécessaire.
La croyance est, comme une torche que l’on tiendrait dans la nuit, une lumière qui rassure. Quand il est difficile de percevoir les étoiles au ciel ou l’aurore qui se lève, annonçant un soleil nouveau, il vaut mieux avoir une torche pour délimiter autour de soi un cercle de lumière. Seulement, les torches s’éteignent toujours à un moment ou à un autre et de même, les croyances sont mises à l’épreuve. Soudain, on n’y croit plus ou d’autres viennent les remettre en question, opposés qu’ils sont à ce qui nous est cher. Les faits peuvent également venir les contredire. On aura alors tendance à vouloir tordre le cou aux faits. En-tout-cas, des combats se feront autour des croyances, puisque jamais deux torches distinctes ne peuvent éclairer exactement le même périmètre.
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Et puis il y a la foi.
Je sais comment (et surtout en France où il est facile de donner à la laïcité la qualité d’une religion athée) comment peut résonner ce mot. La foi, pourtant, n’est pas une affaire de religion ! Elle est « l’expérience que l’intelligence est éclairée par l’amour » (Simone Weil, Pesanteur et la Grâce), autrement dit, elle est l’expérience de la prééminence de l’amour sur l’intelligence. Et là encore, le mot amour pose problème à certains. Quand S. Weil parle d’amour, elle n’évoque pas un sentiment, et encore moins celui qui rend aveugle, mais une présence au monde. Le sentiment que l’on nomme amour n’est la plupart du temps qu’une inclinaison pour un objet convoité. L’amour, en revanche, est un engagement. C’est un engagement qui se donne sans convoiter l’objet vers lequel il se tourne. Il est sans attente, sans espoir d’un bénéfice. Son objet n’est là pour remplir aucun vide.
Ainsi, l’intelligence éclairée par l’amour est une attention que l’on porte au monde sans besoin de se tenir à une torche. Il y a donc dans cet exercice une disponibilité à être ouvert à tous les possibles. Absolument tous les possibles. L’amour n’ayant rien à prouver.
Il s’agirait de vouloir la présence des réalités que l’on refuse, avec la même intensité que l’on dépense à les refuser ; et se tenir entre les deux possibilités.
De même, il s’agirait de vouloir que les réalités auxquelles on tient (celles qui deviennent des torches), soient présentes avec la même intensité que l’on pourrait vouloir qu’elles soient absentes. Il s’agirait de se tenir entre ces deux possibilités sans en préférer aucune des deux. Cet exercice offre de rencontrer vraiment ce à quoi l’on tient. C’est un exercice de l’amour pour la réalité à laquelle on tient.
En supportant ce paradoxe, s’éclaire l’intelligence que l’on pourra avoir de la chose. N’est-ce pas la vertu du chercheur lorsqu’il n’est pas tenu de prouver quoi que ce soit, mais de chercher à rencontrer une réalité ? Être disponible à tous les possibles afin de ne pas tordre les faits au bénéfice de la satisfaction de sa propre personne. N’est ce pas la vertu de tout être engagé ?
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C’est en ce vendredi de Pâques alors que le Christ était vivant puis mort sur la croix, que j’avais envie de vous partager ceci. Les disciples ne font-ils pas l’expérience de deux états d’une même réalité ? « Il est dans le monde et il n’y est pas ».
Cela s’aggravera le dimanche matin : le corps était là et il n’y est plus.
L’expérience des deux en même temps sera difficile pour Thomas qui aura besoin de preuves, mais possible pour tous, à la Pentecôte.
Guillaume Lemonde
PS : en écrivant ces lignes, je comprends que s’il y a opposition entre croyance et démarche scientifique, il n’y en a pas entre foi et démarche scientifique…
2 Commentaires
C’est lumineux et cela m’éclaire d’y voir, entre les deux, la troisième voie.
Bonjour, penser que nous sommes sur terre pour “travailler des thèmes” et devenir plus sage ou plus lumineux à travers nos expériences, toutes nos expériences, c’est une croyance-torche ou la foi ? Est-ce une croyance si cette pensée n’admet pas d’autre possibilité comme une torche qui nous permettrait d’ ignorer ce qui est dans l’ombre autour, et de la foi si elle permet de tout voir ? (y compris une absence de sens à nos vies, juste…la vie ). Cordialement,