FAIRE SILENCE
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Exercices pratiques, Présence et attention, Relation thérapeutique
- Date 16 décembre 2022
FAIRE SILENCE
S’il est important pour vous d’être présent à ce que votre interlocuteur vous raconte, c’est à dire si vous voulez éviter d’interpréter ce qu’il vous dit en parasitant son récit avec ce que vous y ajoutez, il est important, d’une manière ou d’une autre, de découvrir comment faire silence. En effet, si, par exemple, les faits relatés blessent vos valeurs ou vos sentiments, ce n’est plus votre interlocuteur que vous entendez mais les échos assourdissants qu’il provoque en vous. Ce n’est pas lui que vous rencontrez mais vous-même faisait trop de bruit…
C’est ainsi que de nombreux échanges ne sont souvent que des monologues entremêlés ou chaque interlocuteur suit le fil des pensées que l’autre provoque en lui.
Pour autant, faire silence ne peut pas signifier qu’il faille taire les sentiments. Il ne s’agit pas de les bloquer et d’adopter ce que l’on appelle parfois « une attitude professionnelle » : vous y perdriez toute intériorité et, telle une machine, vous enregistreriez, certes, ce qui serait dit, mais vous ne pourriez pas vous y lier. Le monde entier resterait pour vous à distance, comme un fait extérieur. Passé au filtre de votre raison, il ne se révèlerait pas dans sa profondeur. Vous ne pourriez en saisir que ce que vous en connaissez déjà.
Ainsi, il s’agit de faire silence tout en laissant les sentiments libres de leur mouvements.
Faire silence sans rien taire du tout !
Le bruit en nous ne vient pas des sentiments…
Il vient de la caisse de résonance formée par notre espace intérieure. Lorsque nous écoutons quelqu’un nous raconter quelque chose, une sorte de Larsen se met en place très naturellement.
Il s’agit donc d’être attentif à cette boucle de Larsen. Prêter attention à cette boucle Larsen.
Vous connaissez le phénomène Larsen, ce bruit strident qui provient de la ré-entrée d’un son d’un haut-parleur qui le retransmet au microphone, créant ainsi une boucle amplificatrice à l’origine de la saturation du haut-parleur.
En nous, un phénomène similaire se met en place :
Voyez plutôt :
– une perception (une information) influence nos sentiments (nous apprécions ou non ce qui est perçu),
– ce qui influence à son tour notre faculté de jugement (c’est à dire le point de vue que nous avons sur la chose : ce qui est apprécié est jugé bon et ce qui ne l’est pas est jugé mauvais),
– ce qui influence à son tour notre façon de mettre en relation la perception avec d’autres souvenirs, d’autres représentations : nous faisons des associations d’idées conformément au point de vue que nous avons sur la chose…
– ce qui influence en retour nos perceptions (par exemple, notre façon d’écouter).
Ainsi nous allons entendre et comprendre ce qui confirme les associations d’idées que nous avons eues, du fait du point de vue que nous avons adopté, du fait des sentiments que nous avons, du fait de ce que nous avons entendu.
C’est comme une boucle de Larsen.
Mais tout comme dans un système sonorisé, chaque point de la boucle est essentiel. Il ne s’agit pas de supprimer le micro ni les haut-parleurs. Ici, il ne s’agit pas de supprimer les perceptions, ni les sentiments, ni la faculté de jugement, ni les associations d’idées qui en découlent.
Il s’agit bien mieux de devenir présent à ces quatre aspects de notre vie intérieure de façon à ce que ne s’installe pas une boucle de Larsen…
Ce qu’il est possible de faire pour cela ne peut pas être raconté en détail ici. Il s’agit bien plus d’une expérience qu’autre chose. Une expérience qui peut toute fois être permise par certains exercices que je ne développerai pas non plus dans le cadre de ce petit article.
Vous trouverez quelques indications en suivant ce lien.
Qu’il soit juste mentionné que le silence est une attention offerte
- aux perceptions soumises sinon aux associations d’idées et aux souvenirs que nous avons. Il s’agit d’apprendre à rester avec chaque détail sans focaliser sur aucun. Prendre le recul nécessaire pour percevoir l’ensemble qui est bien plus grand que la somme de ses parties. (Les travaux de J.W. von Goethe et sa démarche phénoménologique sont ici d’une grande aide);
- aux sentiments soumis sinon aux perceptions. Il s’agit d’apprendre à se tenir entre la sympathie et l’antipathie que l’on peut éprouver pour ce que l’on perçoit (intégrer les deux en même temps), comme l’axe de la balance. Découvrir la stabilité intérieure;
- à la faculté de jugement soumise sinon aux mouvement des sentiments. Il s’agit de s’exercer à cheminer vers d’autres points de vue. C’est en apprenant à changer de point de vue que l’on se dés-identifie de ce qui sinon entretient une boucle de Larsen;
- aux associations d’idées que met en place notre faculté de jugement, en nous exerçant à nous ouvrir à tous les possibles. Il s’agit de s’exercer à la confiance, c’est à dire à la faculté de n’attendre, très activement, rien de particulier.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
Médecin, chercheur, développe et enseigne la démarche Saluto dans ses différents champs d'application. Après des études de médecine à Lyon, il découvre la pédagogie curative et la sociothérapie, alliant la pédagogie et la santé. Pour lui, la question de toujours est d’offrir l’espace et les moyens permettant à chacun de devenir acteur de sa vie. Il ouvre un cabinet en Allemagne où il poursuit ses recherches dans le cadre de l’éducation spécialisée, puis en Suisse.
À partir de l’étude des grands chapitres de la pathologie humaine, il met en évidence quatre étapes de la présence à soi et au monde (1995) et découvre et développe à partir de cette recherche la Salutogénéalogie (2007) et la démarche Saluto (2014).
Il donne des conférences et des séminaires de formation pour enseigner cette démarche.
Il est auteur de publications faisant état de ses travaux.