CORONAVIRUS : RIEN NE SERA PLUS COMME AVANT
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Actualité, Exercices pratiques, Présence et attention, Psychologie (Saluto Psychologie)
- Date 3 avril 2020
photo: Corona iXimus / 105 photos
Rien ne sera plus comme avant !
Depuis le début de cette crise sanitaire (nous sommes en avril 2020), j’entends ça presque quotidiennement à mon cabinet.
– Cette épidémie est un phénomène mondial. Nous sommes, comme rarement tous concernés. Cela ne peut pas rester sans conséquences, me confiait quelqu’un avant-hier matin. Il y aura un avant et un après. Une crise pareille, ça éveille les consciences, non ?
Il est vrai, qu’il y aura un avant et un après, comme il y a eu un avant et un après la crise de 2008 ; un avant et un après la deuxième guerre mondiale ; ou la première ; un avant et un après la grippe espagnole qui fit quelque 50 millions de morts (peut-être même 100 millions selon des réévaluation récentes). Mais est-ce que les consciences changent du fait des crises (qu’elles soient sanitaires, économiques, politiques…) ? Est-ce que la crise sanitaire actuelle et la grave crise économique (en préparation depuis plusieurs années) qui va suivre, vont nous permettre de nous éveiller à l’essentiel ? Cette question peut sembler désabusée. Elle ne l’est absolument pas, comme vous allez le voir…
Mais d’abord, à quoi devrions-nous nous éveiller ? À la fuite en avant, que nous suivons depuis des siècles et qui met en danger notre environnement ? À la bêtise de cette croyance en une croissance infinie, par nature impossible dans un monde aux ressources finies ?
Ce matin, une dame me faisait remarquer combien le ciel est beau. Il n’est plus strié d’avions. La pollution atmosphérique a décru et j’arrive enfin à respirer, me confiait-elle. Et dans la baie de Venise, les dauphins sont revenus ! Les gens vont remarquer que notre mode de vie est absurde, vous ne croyez pas ? Si les dauphins sont revenus, on ne voudra plus les laisser partir !
(en fait, il s’agit d’une fake news: les dauphins ne sont pas dans la baie de Venise …)
Chère Madame, je ne sais pas !
Je ne sais pas ce qu’il adviendra des dauphins de la baie de Venise, mais ce que je sais, c’est que ce ne sont pas les épreuves que nous traversons qui sont à l’origine de changements. Les changements viennent dans les épreuves, mais pas de leur fait. Comprendre cela est essentiel, car il en va de notre rapport à l’épreuve, de notre façon de la traverser. Je vais essayer de m’expliquer.
Nous avons tendance à croire (quand je dis « nous » j’évoque une espèce de conscience collective ambiante, à laquelle je n’associe pas forcément le lecteur) que les épreuves sont des sortes de moment évolutif qui contiendraient de façon immanente les solutions pour les traverser.
Par exemple mon grand-père, en évoquant je ne sais quel laxisme de je ne sais plus quelle catégorie professionnelle, disait parfois : il faudrait une bonne guerre ! sous-entendant que cette guerre aurait cela de bon que les consciences s’éveilleraient à l’essentiel. Selon lui, avec une bonne guerre, les regards s’ouvriraient à quelque chose de plus grand qu’aux seuls bénéfices personnels ; les gens seraient engagés pour autre chose que leurs intérêts privés ; ils se donneraient à la collectivité et se dépasseraient. Bref, une bonne guerre, serait une guerre qui contiendrait du bon, une épreuve qui contiendrait ce qu’il faut pour aller mieux après. Une sorte de lavement, en somme, évacuant ce qui encombre ; un moment difficile à passer, mais somme toute libérateur.
Or, quel est la nature d’une épreuve ?
Est-elle en soit le remède ? Penser qu’une difficulté va nous éveiller, c’est penser que la difficulté est en soi le remède qui éveille. Est-ce le cas ?
Ne pourrait-on pas plutôt imaginer que lorsque nous traversons une épreuve, si nous sommes éprouvés, c’est parce qu’il nous manque une ressource qui permettrait, si elle était présente, de ne pas être éprouvé ? (Je sais, c’est une lapalissade…)
Dit autrement, une ressource nous manque, elle est encore absente, encore à venir, et c’est ce manque qui est à l’origine de l’épreuve.
Ainsi, l’épreuve n’est pas le remède. Elle est l’ombre portée du remède, l’ombre portée d’une lumière à venir. Une situation donnée sera éprouvante pour celui qui cherche encore la ressource requise pour la traverser, tandis qu’elle restera un moment désagréable pour un autre, sans pour autant l’éprouver.
Il n’y a pas de bonnes crises en soi… Il n’y a pas de bonne guerre en soi… Les difficultés que nous avions avant la crise sanitaires n’iront pas automatiquement mieux après.
En revanche, les crises rendent visibles les ressources intérieures qui nous manquent. Elles sont des révélateurs de ce que nous avons l’opportunité d’exercer pour traverser ces moments difficiles.
Pour certains, cette ressource à rendre présente, c’est la confiance. Pour d’autres, c’est la stabilité intérieure. Pour d’autres encore, c’est la profondeur à découvrir face au monde extérieur. Pour d’autres enfin, c’est l’engagement pour une cause plus grande que soi.
À ce sujet, un article qui pourrait vous intéresser: la Saluto et les quatre vertus platoniciennes.
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Imaginons par exemple que la confiance soit l’enjeu de mon épreuve.
La confiance est cette disponibilité intérieure permettant d’accueillir dans l’instant, toutes les possibilités, même celles que je jugerais les pires. Les orientaux appellent cela une non-attente active : une activité intérieure disponible au point de n’attendre rien en particulier (à l’opposé du fatalisme qui attend spécifiquement quelque chose de particulier, d’une façon absolument passive) …
Bref, imaginons que je n’aie pas confiance. La confiance serait pour moi un enjeu cardinal. Elle serait pour moi encore à venir.
Dans ces conditions, j’aurais très peur des imprévus. Je redouterais toute nouvelle situation. Je serais incapable de percevoir quoique ce soit de nouveau sans trembler. Ma vie serait donc routinière mais rassurante. Je m’installerais dans le connu. Lorsque j’envisagerais un voyage, je prévoirais tout et irais plus volontiers, même à l’autre bout du monde, dans des hôtels comme chez moi, avec de la nourriture comme chez moi et des gens qui parlent ma langue…
Mon épreuve serait faite de tout ce qui n’était pas prévu et de la disparition de tout ce que j’aurais mis en place pour me rassurer. Alors imaginez un peu quel effet cette crise sanitaire liée au COVID-19 pourrait avoir sur moi…
Vous le voyez : la crise sanitaire serait pour moi une épreuve du fait de mon absence de confiance. C’est parce que nous cherchons à faire nôtre par exemple la confiance que la crise sanitaire actuelle est une épreuve.
Tant que je ne trouverai pas cette confiance, la crise continuera de mettre en lumière mon manque de confiance. Elle exacerbera mes peurs. Et je serai prêt à envisager et à accepter n’importe quoi pour me rassurer. D’ailleurs, les pires mesures politiques qui restreignant les libertés au profit de la sécurité se mettent facilement en place lors de crises.
Alors, non, une crise n’a pas pour vertu d’éveiller les consciences.
Elle est simplement un moment d’intensification des ombres qui nous occupent. Elle intensifie les peurs. La première victoire du virus, c’est la peur. Allons-nous tout faire pour éviter cette peur ou allons-nous la traverser et découvrir en nous cet endroit disponible pour tout envisager (même la mort) ?
Notre manque de confiance s’exprime dans cette épreuve, de même qu’il s’exprime dans une façon de vivre ayant mené à la mondialisation. Comme je l’expliquais ici, la mondialisation est déjà elle-même l’ombre portée de cette confiance que nous cherchons.
Ainsi, rien pourrait ne plus être comme avant, si et seulement si nous découvrons cette confiance. Il peut y avoir, indépendamment de la fin de la crise sanitaire ou de la crise économique, un avant et un après cette expérience de confiance. Une expérience qui vaut sur le moment où elle est faite et qui demande à être renouvelée toujours.
À ce sujet, un exercice est possible. Vous le trouverez ici.
Extérieurement, il y aura, quoi qu’il en soit, encore bien des problèmes. Et des bien graves. La crise financière qui s’en vient ne sera pas des moindres. Mais quels que soient les problèmes extérieurs, chaque instant de chaque jour, restera à jamais l’occasion d’un choix : vais-je en cet instant succomber à la peur ou la traverser ? Et à cet instant, qui ne sera gagné qu’en cet instant et à recommencer toujours, l’épreuve que la crise représente pour nous, pourra disparaitre et laisser place à autre chose. Une autre façon d’être dans la vie, avec les autres, avec le monde entier…
… quelles que soient les circonstances extérieures.
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2 Commentaires
OUi,
cela fait pour moi écho à cette phrase de Camus:
“Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été”
Il s’agit bien de le découvrir…
Oui, on pense aussi à la célèbre maxime de Nietzsche :”Appris à l’école de guerre de la vie : ce qui ne me tue pas me rend plus fort”.
Maxime souvent interprètée bien différemment selon les éclairages !
Le monde à l’heure de cette pandémie n’est-il pas dans une forêt profonde comme tu la décrit Guillaume ? Et c’est bien de lumière dont nous manquons. L’occasion, ou pas, pour chacun de saisir l’éclairage qui est à sa portée.
Françoise Gardel