C’EST MOI QUI SUIS RESPONSABLE DE CE QUI ARRIVE !
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Le Je, Psychologie (Saluto Psychologie), Temporalité
- Date 26 septembre 2019
Photo : Jean Gazis
Le titre de cet article est peut-être un tantinet provocateur, vous ne trouvez pas ? Quand on le lit, on pense forcément à toutes sortes de situations qui le contredisent. On ressent peut-être même un certain malaise. Pourtant je ne changerai pas ce titre : le sujet que j’aimerais traiter ici, nécessite d’y aller sans pincettes. Et pour commencer, je voudrais vous raconter une histoire :
C’était un soir, la dernière consultation de la journée. Une jeune femme vint s’asseoir devant moi et me parla du viol qu’elle avait subi quelque six mois plus tôt. Elle me raconta sa culpabilité, ses doutes, la difficulté de nommer ce qui s’était passé. L’agresseur, un ami, avait été « trop gentil » pour qu’elle ait eu à dire « Non » d’une façon ferme. Elle l’avait juste repoussé. Elle trouvait qu’elle n’avait pas été assez claire. Après coup, elle s’était sentie coupable. Après la culpabilité, avait suivi de la colère, beaucoup de colère… Elle avait voulu lui faire payé cette ignominie.
Mais ce soir là, elle me surprit en me disant une chose que je ne compris pas tout de suite et qui d’abord me fit croire qu’elle était retombé dans la culpabilité. Elle me dit : « J’ai compris que finalement, c’est moi qui suis responsable de ce qui arrive ! »
ÊTRE RESPONSABLE
Lorsque quelqu’un dit : je suis responsable de ce qui arrive, que comprenons-nous ? Sans doute comprenons-nous : C’est à cause de ce que j’ai fait, que cela est arrivé. N’est-ce pas ?
Nous associons la notion de responsabilité à une causalité. Le responsable est l’agent causal. Quand, lors d’un accident, on cherche le responsable, on cherche celui qui a causé l’accident et qui doit le réparer. Cette façon de concevoir la responsabilité est directement liée à notre niveau de conscience. Notre niveau de conscience colle avec les enchainements de causalités. Il est prisonnier du temps chronologique selon lequel les causes précèdent toujours leurs effets. Du coup, on scrute ce qui s’est passé pour découvrir par qui le trouble est arrivé.
Mais alors, comme de ce point de vue, chaque événement est causé par un autre événement situé avant lui, les actes de celui qui sera reconnu responsable d’une situation, auront forcément été causés par ce qui se sera passé avant. Vous comprenez Monsieur le Juge : la jupe était bien trop courte… Je n’ai pas pu résister…
– Mais pourquoi n’avez-vous pas pu résister ? Autrement dit, quelle est la cause responsable de votre non résistance ?
On ira peut-être fouiller la petite enfance de l’agresseur. On identifiera des causes médicales, une carence en certains neurotransmetteurs, ou je ne sais quels abus de toxiques, eux-mêmes causés par une éducation douteuse, elle-même causée par un trouble psychique de la mère, lui-même causé par les bombardement de la deuxième guerre mondiale, elle-même causée par… STOP !
Vous l’aurez compris, notre façon de coller à la chronologie et de tout expliquer par ce qui s’est passé avant, finit par nous conduire à trouver des raisons antérieure à notre propre existence. La responsabilité telle que nous la concevons habituellement, est de ce fait déresponsabilisante !
Dans ces conditions, il est absolument normal que le violeur cherche en dehors de sa sphère de responsabilité, des causes à ses actes et dise que la jupe était trop courte. Considérer que la responsabilité s’établit en regardant le passé et en identifiant les causes d’un problème, conduit à ça !
Photo : Thomas Bartherote
LA RESPONSABILITÉ DU POINT DE VUE DE L’AVENIR
Lorsque la jeune femme me dit ce soir-là : J’ai compris que finalement, c’est moi qui suis responsable de ce qui arrive, je lui ai demandé de m’expliquer ce qu’elle voulait dire.
Elle me répondit à peu près ceci (et je la remercie d’avoir accepté que je retranscrive ici les notes que j’ai prises de son témoignage) :
Ce qui est arrivé, est arrivé. Je ne peux rien y changer. Mais la question que j’ai maintenant est de savoir quoi faire avec ce que ça provoque en moi. Personne ne pourra retrouver à ma place, l’équilibre que j’ai perdu. Moi seule peux le faire.
Le viol a causé des angoisses, des blocages, des colères, des peurs… Il a causé tout ça. Mais tant que je regarde comment ce qui s’est passé m’a souillée… je regarde comment je subis… Je suis passive dans ce regard… C’est naturel de chercher une compensation quand on est passif. Quelque chose est arrivée et on voudrait que cette chose soit réparée par celui qui a fait le mal. C’est passif… comme une vengeance : la vengeance ne fait que répondre à une agression. Elle est déterminée par l’agression… Mais une vengeance ne peut pas changer quoique ce soit à ce qui est arrivé ! Même si la justice passe par là, moi seule peux découvrir comment retrouver l’équilibre. Ce n’est pas une sentence qui changera quoique ce soit.
C’est pour ça que je vous disais tout à l’heure que je suis seule responsable. C’est moi qui ai à répondre de ma vie et donc de ce qui s’est passé. Ce qui s’est passé appartient à ma vie…
(…) Je ne sais pas encore comment m’y prendre ! Mais je remarque en moi la volonté de me tenir devant ce viol autrement que passivement. Je veux en faire l’opportunité d’un changement intérieur… et pouvoir me dire que je suis devenue meilleure, à travers ça
« JE VEUX UN JOUR POUVOIR ME DIRE QUE JE SUIS DEVENUE MEILLEURE, À TRAVERS ÇA».
Voilà pour ce témoignage. La responsabilité nous est magistralement décrite ici non pas depuis le passé, mais depuis l’avenir : Je veux un jour pouvoir me dire que je suis devenue meilleure, à travers ça. Cette jeune femme ne reste pas à déplorer ce qui a surgit dans sa vie. Elle veut devenir actrice de son histoire.
Dans le cas particulier de cette jeune femme, les moyens proposés pour découvrir un nouvel équilibre, sont ceux qu’enseigne la démarche Saluto. Elle fait un très beau chemin et peut dire aujourd’hui qu’elle va bien.
MAIS L’AGRESSEUR, ME DIREZ-VOUS…
Mais l’agresseur, me direz-vous… Ne l’a-t-elle pas trainé en justice ? Ne doit-il pas payer pour ce qu’il a fait ?
Effectivement, elle a fait une déclaration à la police et l’instruction a suivi son cours. Mais ce qu’il est important de bien comprendre, lorsque l’on aborde le sujet de la responsabilité du point de vue de l’avenir, c’est que l’essentiel n’est pas là.
Du point de vue de la justice, c’est passivement que l’agresseur reçoit sa sentence… Il la reçoit passivement, car elle est décidée par d’autres en conséquence d’un acte commis. Elle suit la logique du passé. Le violeur ira en prison, mais deviendra-t-il pour autant responsable de sa vie ? Se saisira-t-il de cette épreuve pour accueillir de quoi changer et devenir meilleur à travers cette épreuve ? Vous voyez bien que cela est ouvert et ne dépend que de lui. Il a le choix de rester déterminé par le passé ou de se tenir devant ce qui semble le déterminer et de ne pas suivre cette pente.
Lorsque par exemple quelqu’un nous a fait du mal, nous avons le choix de suivre la pente de la vengeance ou de renoncer. Ce renoncement est l’endroit même de notre liberté. Il demande une grande présence intérieure. De même, lorsque nous avons fait du mal, nous avons le choix de suivre la pente qui nous conduit à nous justifier et à nous trouver des excuses… ou de renoncer à cela et de demander pardon. Ce renoncement est l’endroit même de notre liberté.
Le choix intérieur de suivre ou non la pente du passé, c’est à dire de se laisser déterminer ou non par ce qui s’est produit avant, nous l’avons à tout instant.
Au moment du viol, le violeur l’avait. À présent, le viol est dans le passé et le violeur ne peut plus agir sur lui. En revanche il a toujours exactement le même choix : vais-je rester déterminé par le passé, ou vais-je être capable de devenir responsable de ma vie ?
Et ce qui est vrai pour ce violeur, l’est aussi pour cette jeune femme, mais aussi pour vous, pour moi, pour nous tous : observez-vous et voyez, par exemple dans un conflit, là où vous êtes en train de répondre au conflit et là où vous renoncez de répondre à la provocation. Ce renoncement est tout sauf une faiblesse. Il est l’endroit même où vous êtes présents. Il est l’endroit d’un l’éveil. Il permet de dire : ce n’est pas à cause des autres que je vais mal… je suis responsable de ce qui arrive !
Voilà pour aujourd’hui. Si vous avez aimé cet article, partagez le avec vos amis. Les commentaires sont bienvenus.
Bien à vous
GL
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3 Commentaires
J’avais entendu lors d’une émission de radio, une femme rescapée des camps de concentration qui expliquait le chemin qu’elle avait dû parcourir pour dépasser les traumatismes subis. Elle racontait que pendant longtemps, elle n’a plus été en capacité d’écouter certaines pièces de musique classique, parce que les nazis obligeaient les prisonniers musiciens à jouer pendant qu’ils procédaient à des exécutions, et ce jusqu’à ce que ces musiciens meurent parfois eux aussi sur place. La magnifique musique était intimement liée en elle à ces effroyables moments. Et puis elle a réalisé qu’elle aimait trop cette musique pour ne plus pouvoir l’écouter. Elle a développé la force de la dissocier de ces souvenirs. Elle a déclaré : “Si je n’avais pas fait cela, c’est eux qui auraient gagné. Je ne voulais pas qu’ils continuent à avoir une emprise sur mon existence et mon futur. C’est à nous-mêmes de remettre à l’heure les pendules de notre vie.” C’est cette dernière phrase qui me semble démontrer très bien ce que tu dis. Ce n’est pas la condamnation des bourreaux, dont le jugement était nécessaire, qui l’a pourtant amenée à pouvoir réécouter ces pièces de musique. Mais bien elle-même qui s’est située en direction de l’avenir, en ayant conscience de sa responsabilité dans ce processus d’évolution.
Bravo pour cet article!
De cette responsabilité peut naître notre liberté….