LA GUERRE FAITE À LA PENSÉE
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Actualité, Articles, Démarche Saluto, Exercices pratiques
- Date 22 juillet 2022
LA GUERRE FAITE À LA PENSÉE
J’écoutais ce soir une interview de Caroline Galactéros, docteur en sciences politiques, colonel dans la réserve opérationnelle des Armées et ancienne directrice de séminaire à l’École de guerre (Paris)… (voir la vidéo en bas de cet article)
Elle s’exprime au sujet du conflit ukrainien. L’éclairage qu’elle apporte est précieux. Il est précieux en particulier parce qu’il sort de la dichotomie habituelle classant le monde en noir et blanc. Elle ne cherche pas à convaincre mais offre à réfléchir.
Son interview est un appel à notre faculté d’attention
Notre faculté d’attention est trop souvent hypnotisée par une propension naturelle à se focaliser sur un élément et à perdre de vue l’ensemble : la plupart du temps, nous passons d’un focus à l’autre et vivons les informations qui nous arrivent les unes après les autres. Nous vibrons avec elles plus ou moins intensément et les classons en bonnes ou mauvaises selon qu’elles nous plaisent ou pas. Je force un peu le trait, mais c’est quand même comme ça que nous procédons la plupart du temps.
Le monde se voit alors coupé en deux, en fonction de nos sympathies et de nos antipathies.
À leur tour, celles-ci influencent notre système de valeur qui lui-même nous pousse à une certaine hiérarchisation de l’information. Tout cela se fait automatiquement, d’une façon quasi réflexe.
Notre faculté de pensée est endormie lorsque nous focalisons de la sorte.
Nous subissons une mécanique intérieure que les médias et les boites de communication qui les conseillent mettent à profit.
C’est pourquoi, en écoutant Madame Galactéros parler de la guerre, je me disais que la guerre dont il est question ici dépasse de loin la tragique zone de combat armé. La guerre actuelle est faite à notre faculté de pensée. Cette guerre était déjà déclarée en 2020 lorsqu’il devenait évident que certains sujets ne pouvaient pas être questionnés. Nous étions poussés à focaliser sur une version du réel, repoussant d’autres façons de le considérer.
Quand le monde est divisé en deux selon les sympathies et les antipathies, il ne peut plus être rencontré. La moitié du monde que l’on veut bien regarder est une négation de sa totalité ; car cette moitié-là ne parle que de nos préférences à nous et non du monde lui-même.
Que les conflits du XXème siècle aient été déjà accompagnés de propagande ne change rien au fait qu’aujourd’hui, de nouveau, l’occasion nous est donnée d’éveiller notre faculté d’attention. Les guerres du XXIème siècles sont des guerres faites à la pensée. Plutôt que de focaliser sur telle ou telle information, nous avons à apprendre à les tenir toutes ensemble sans les choisir. Parvenir à nous tenir entre deux informations paradoxales. Les garder ensemble.
Madame Galactéros dit à un moment qu’il est important de savoir être nuancé.
En fait, être nuancé ne signifie pas qu’il faille nuancer ce que l’on sait ou que l’on croit savoir : il ne s’agit pas d’amoindrir l’information que l’on détient, mais de la garder telle qu’elle est, dans toute sa rugosité, tout en acceptant de considérer en même temps une information opposée en regard. Être nuancé, ce n’est pas être mou et émoussé, c’est au contraire être attentif à ne pas se laisser hypnotiser par un point de vue. Être attentif à élargir le point de vue à plus qu’aux quelques informations qui plaisent. Savoir changer de point de vue.
(et comme les réseaux sociaux enferment les utilisateurs dans une bulle cognitive, il est facile de comprendre en quoi ces réseaux, qui n’ont rien de sociaux, participent à la guerre faite à la pensée).
Cette faculté d’attention que l’on offre aux informations que l’on reçoit, se nomme PROFONDEUR INTÉRIEURE ou TEMPÉRANCE.
Guillaume Lemonde
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