LIBERTÉ ! JE CRIE TON NOM !
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Actualité, Articles, Démarche Saluto, Droit et société
- Date 28 janvier 2022
LIBERTÉ !
Des foules scandent ce mot depuis quelques temps. Dans certains pays, des gens se lèvent contre les mesures les privant de liberté. La liberté d’entreprendre, de circuler, de disposer de son corps… Les contraintes sont nombreuses et la réponse ne se fait pas attendre : au dehors, des protestations, des révoltes, des manifestations, et possiblement bientôt une guerre civile ; au-dedans, de la perplexité, de la tristesse, de la colère, du désespoir, etc.
Rendez-nous notre liberté !
Il y a quelque chose de tragique dans ces cris. Car autant la vie que rencontrent beaucoup de personnes suite aux politiques menées par leur gouvernement, est devenue tragique, autant le combat, mené de cette façon est perdu d’avance.
Je ne dis pas qu’il ne faille pas combattre pour la liberté, mais que s’il est mené de cette façon, le combat est perdu d’avance.
La liberté ne se négocie pas.
C’est-à-dire qu’elle ne peut être conditionnée par quoi que ce soit ; au point que quelque chose qui me rend libre m’asservit. C’est assez clair pour beaucoup quand il est question du passeport vaccinal. Un passeport vaccinal qui permettrait de retrouver « la vie d’avant » et donc d’être libre (de bouger, d’entreprendre, etc.) est évidemment une illusion asservissante. Il soumet la liberté à la possession d’un tel passeport.
De même, une révolte populaire réclamant la liberté ne peut prétendre qu’à une liberté soumise à sa révolte. Elle ne peut prétendre qu’à la liberté du plus fort. Je suis libre, car je vous écrase, vous qui voulez m’asservir ! Dans un tel monde, la liberté est sur ses gardes, dépendante de sa force de frappe. Elle vise contrôler et empêcher les assauts l’ennemi. C’est ce qui conduisait au Moyen-âge à la fortification des châteaux et depuis le XXème siècle à la montée en puissance des arsenaux nucléaires.
La liberté qui se réclame dans la rue est de même nature que celle que certains pays sauvegardent avec un arsenal nucléaire. On ne peut pas regarder l’un avec enthousiasme si l’on voit l’autre avec inquiétude.
Pourtant, de nouveau, je ne dis pas qu’il ne faille pas combattre pour la liberté. Je dis simplement que si le combat est mené de cette façon, il est perdu d’avance. Il mène à la surenchère, avec, au bout du compte, le totalitarisme absolu : l’escalade nucléaire dans le corps social. La Terreur après la Révolution.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que les circonstances nous placent devant la question de la liberté.
Si la liberté ne peut pas être donnée par quelque artifice que ce soit, alors elle ne dépend pas non plus du nombre des gens qui descendent dans la rue. Le nombre des gens qui descendent dans la rue crée une circonstance extérieure qui pourra être favorable, mais si on s’en tient à ça, on reste dans un monde de nécessité, c’est-à-dire un monde de liberté conditionnelle.
Le monde à l’intérieur duquel la liberté peut se perdre, c’est le monde des nécessités, c’est-à-dire celui dans lequel des causes entrainent des effets. Si mes actions sont déterminées par ce qui s’est produit, alors elles ne font que répondre mécaniquement aux circonstances. Si je proteste parce que le gouvernement a mis en place des mesures que je juge aliénantes, je me place dans un monde de nécessité où la liberté est donc perdue d’avance !
Dans le monde des nécessités, (c’est-à-dire le monde que l’on connait bien, puisqu’il est celui que l’on explore par la logique, cherchant à comprendre ce qui se passe à partir de ce qui s’est passé avant… ) la liberté ne peut se concevoir que comme la suppression de la contrainte. Quelque chose me contraint, donc je ne suis pas libre, donc je veux supprimer la contrainte.
Supprimer la contrainte, c’est aujourd’hui pour les uns vouloir supprimer le virus, voir même vouloir supprimer les non-vaccinés, pour d’autres, c’est vouloir supprimer le passeport sanitaire, voire même supprimer le gouvernement.
Dans un monde de nécessité, on aspire à supprimer toutes contraintes, même les biologiques. Supprimer la maladie, la souffrance, la mort… On va jusqu’au transhumanisme sur cette pente-là.
On ne peut pas regarder avec inquiétude le transhumanisme et en même temps penser que les contraintes extérieures doivent être supprimées pour retrouver la liberté !
Et pourtant je ne dis pas qu’il ne faille pas que disparaissent ces contraintes extérieures. Mais ce n’est pas leur disparition qui fera de nous des hommes libres… Car si tel devait être le cas, nous n’obtiendrions qu’une liberté conditionnée à cette disparition. Une liberté soumise. Bref, rien d’extérieur ne nous donnera notre liberté.
Certes, les circonstances extérieures sont à prendre en compte dans l’équation.
Mais elles ne sont qu’un membre de l’équation. En remettant en question la liberté, elles sont le champ d’exercice de la liberté. En nous contraignant, elles sont le décor dans lequel nous apprenons ce qu’est la liberté.
Tout comme il est vrai de dire qu’un décor peut contraindre le libre jeu d’un acteur, il est tout aussi évident que le meilleur décor du monde ne peut garantir que l’acteur jouera librement.
L’acteur confronté au décor sait qu’en plus des conditions extérieures de la liberté, il y a aussi des conditions intérieures à prendre en compte. Les unes sans les autres ne mènent à rien d’autre qu’à une illusion de liberté. Elles mènent à la lutte sans fin s’épuisant à vouloir supprimer toutes les contraintes, jusqu’à supprimer le décor lui-même.
On en viendra un jour à vouloir supprimer le corps lui-même (que l’on remplacera par une machine inoxydable) et la planète entière… (n’y a-t-il pas des gens qui rêvent de trouver une autre planète où l’on pourrait tout recommencer en mieux ?)
Les conditions intérieures de la liberté sont l’autre membre essentiel de l’équation.
Ces conditions sont celles qui permettent d’ouvrir un espace entre une cause et sa conséquence. Par exemple, entre l’offense et la réponse que l’on donne à l’offense ; un espace dans lequel sont suspendus les automatismes, les réflexes, les réactions.
Quand on découvre un tel espace en soi, on peut agir en fonction de ce que la situation requière et non en réflexe de ce qui s’est produit.
On peut agir librement, c’est-à-dire d’une façon novatrice, et non réagir. La réaction est prévisible et n’amène jamais rien de nouveau. C’est l’affaire de chacun. Personne ne peut découvrir cet endroit pour quelqu’un d’autre.
C’est pourquoi les foules sont prévisibles. Il est facile de les manipuler.
Répondre à ce qui s’est produit, c’est se laisser conduire par les circonstances. Quand on fait ça, on donne au passé (à ce qui s’est produit) sa toute puissance puisqu’on se laisse déterminer par lui. On s’abandonne à ce qu’il nous dicte. On réagit, perdant en même temps la liberté d’action.
En revanche, si l’on souhaite agir en fonction de ce que la situation requière, on est appelé à se lier non pas à ce qui s’est passé, mais à ce qui est (indépendamment de ce qui s’est passé).
Par exemple, quand, pour défendre la liberté, on espère des millions de gens dans les rues et que cela nous satisfait car nous nous sentons alors puissants, on est en train de réagir à l’impuissance que l’on refuse. On espère que le décor de la rue nous rendra la liberté.
À l’inverse, si on parvient à vivre l’impuissance sans espérer un retournement de situation, si l’on parvient à vivre ce qui est, sans brouiller cette perception avec ce que l’on préférerait, alors on découvre, dans ce moment de présence à ce qui est, un espace de liberté ; un endroit à partir duquel il devient possible d’agir et non de réagir.
À partir de cet endroit là, libre à chacun ensuite d’aller manifester ou de faire autre chose. Ce que l’on fera aura une toute autre qualité.
Ainsi, dans la lutte pour la liberté, la condition intérieure de la liberté est de ne pas se laisser asservir par l’impuissance que l’on vit. Vivre l’impuissance sans essayer de la transformer en puissance !
C’est un véritable renoncement…
Si on regarde ça de l’extérieur, on a peut-être l’impression que cela ne peut conduire qu’à l’abandon, au défaitisme, à la faiblesse… Quand on le vit, il n’en est rien. Cela offre, au contraire, d’agir à partir de soi-même, sans compter sur personne pour poser le premier pas. Pas besoin d’attendre que les gens se réveillent pour agir, ou d’espérer un bon scrutin aux élections, ou de compter sur encore plus de monde dans la rue. On est libre d’agir. Engagé. On est libre, malgré les circonstances. Et on peut alors répondre aux circonstances d’une façon déterminée sans leur abandonner notre liberté. C’est à partir de cet endroit-là que les gens qui ont fait l’histoire ont agi. D’autres les auront suivi. Si des foules ont pu un jour changer quelque chose aux circonstances, c’est à chaque fois parce qu’il y avait un être libre qui était là.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
https://www.youtube.com/watch?v=hkmKsoxdN6E
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