LA SOCIÉTÉ DU RISQUE ZÉRO
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Actualité, Articles, Démarche Saluto, Droit et société
- Date 17 décembre 2021
LA SOCIÉTÉ DU RISQUE ZÉRO –
Vouloir diminuer les risques en demandant aux cyclistes de porter un casque ou en imposant le port de la ceinture de sécurité en voiture, très bien… De nombreuses mesures ont été prises dans beaucoup de domaines pour rendre la vie plus sécuritaire.
Ce que je voudrais aujourd’hui, c’est explorer où nous conduit cette pente sécuritaire. Car finalement, que se passerait si l’on parvenait à faire disparaitre, par toutes sortes de mesures et quelque moyen aujourd’hui inconcevable, tous les risques ; si l’on parvenait au risque ZÉRO.
Voyez ce petit enfant en train d’apprendre à faire du vélo.
Un petit enfant qui apprend à faire du vélo risque de tomber et de se faire mal. Ce qu’il est en train de découvrir, c’est l’équilibre, n’est-ce pas ? L’équilibre là où il pourrait sinon tomber. Donc on lui fait porter un casque et on lui enfile des genouillères et c’est très bien.
L’équilibre est une ressource que ce petit enfant n’a pas encore. Au moment où il grimpe pour la première fois sur son vélo, cette ressource est pour lui encore à venir. Elle s’approche de lui. Un jour, il aura atteint le moment où, dans sa vie, l’équilibre à vélo sera acquis. L’équilibre sera devenu présent pour lui. Pour lors, la chute est probable. Elle représente un risque.
Si vous restez un moment avec ces évidences, vous remarquerez que la raison pour laquelle l’enfant peut tomber peut s’expliquer de deux manières différentes.
La première raison est contextuelle
Quelque chose dans le contexte peut provoquer une difficulté que l’enfant ne pourra pas traverser du fait de son manque d’équilibre. Par exemple, un caillou sur le chemin, ou une pente un peu trop raide, ou quelqu’un qui l’appelle au loin et qui lui fait détourner le regard de la route qu’il suit…
Et puis il y a une seconde raison.
Cette raison est dans l’avenir. Elle n’est pas contextuelle mais concerne l’enfant lui-même dans ce qu’il est en train de découvrir intimement : c’est parce qu’il est en train de découvrir la stabilité, et qu’il ne l’a donc pas encore trouvée, qu’il peut tomber. En somme, quelle que soit le contexte (qu’il est toujours bon de soigner), l’enfant tombe parce qu’il est en train de découvrir comment ne pas tomber…
Les épreuves sont toutes explicables contextuellement : quelque chose est arrivé et a eu des conséquences… Mais elles sont également toutes à mettre en relation avec une ressource que l’on est appelé à faire nôtre. Une ressource encore à venir.
Si l’on s’intéresse aux gens, comme à des faits extérieurs, des participants anonymes et interchangeables, alors on ne voit que le contexte.
Mais si l’on s’intéresse au gens dans ce qu’ils ont d’unique et d’irremplaçable, alors, c’est depuis l’avenir que l’on est tenu de comprendre leurs épreuves: par exemple, c’est parce que cet enfant-là est en train de découvrir comment trouver l’équilibre à vélo, qu’il se trouve sur un vélo et qu’il peut tomber. Il peut tomber parce qu’il est en train d’exercer sa stabilité.
La possibilité de tomber, la possibilité d’avoir mal, la possibilité d’être malade, la possibilité d’être infecté, la possibilité d’avoir une épreuve, d’être licencié, de divorcer, la possibilité de vieillir et même la possibilité de mourir… tous ces risques sont, dans le contexte de notre vie, l’ombre portée de ressources qui permettraient de les traverser.
Ces ressources sont :
- la stabilité intérieure dans les relations,
- la profondeur devant les perceptions,
- le courage à travers l’obstacle,
- la confiance à travers les aléas de la vie.
Comprenez bien ! Ces ressources, vues depuis l’avenir, vont de pair avec les multiples risques que nous encourons. Tout comme l’équilibre que l’on cherche à exercer rend nécessaire le risque de tomber.
Autrement dit, les risques sont les ombres portées de ces ressources que l’on s’exerce à rendre présentes.
Si l’on voulait faire disparaitre absolument tous les risques, il faudrait que les êtres, dans ce qu’ils ont d’unique, n’aient plus à découvrir ce que c’est d’être stable intérieurement dans les relations. Il faudrait qu’ils n’aient plus à goûter à cette profondeur permettant de s’ouvrir au monde à travers les perceptions; ni à s’exercer à avancer vaillamment à travers l’obstacle; ni à rencontrer les péripéties de la vie avec confiance. Il faudrait, pour qu’il soit possible de supprimer tous les problèmes, que le contexte de notre vie ne soit un champ d’expérience pour personne. Il faudrait que les êtres, dans ce qu’ils ont d’unique, soient niés absolument.
Une société qui aspire au risque zéro, est une société qui ne perçoit pas ce qui est unique en chacun. C’est une société dans laquelle chacun n’est qu’un figurant interchangeable dans une contexte vide.
Si un jour quelqu’un venait et déclarait :
Avec moi et les moyens que je vous apporte, il n’y aura plus de risque de tomber malade, de souffrir, ou même de mourir ! alors sachez que cet être commencerait par nier ce que vous avez d’unique et d’irremplaçable. Il ne regarderait pas comment vous vous approchez de vous-mêmes depuis l’avenir. Il ne vous verrait pas devenir qui vous êtes. Vous ne seriez pour lui qu’un figurant anonyme, un chiffre sur un tableur Excel, un point dans une statistique, un objet dans un monde sans avenir.
Guillaume Lemonde
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1 commentaire
Ce sont des commentaires extra-ordinaires et d’une grande solidité morale !
Votre clarté d’esprit est très appréciée. Elle nous permet de comprendre les conséquence des actions, prises ou non, dans la vie (la notre surtout) d’une manière beaucoup plus profonde !
Je vous remercie beaucoup pour ce partage généreux.