TOUS DES MOUTONS ?
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Actualité, Articles, Présence et attention, Psychologie (Saluto Psychologie)
- Date 26 mars 2021
Des moutons… Tous des moutons… Un vieux monsieur, la canne dressée devant lui, invectivait, il y a quelques semaines, les voyageurs qui venaient de débarquer masqués, du train direct Genève-Vevey. Tous masqués comme il se devait du fait des mesures sanitaires. Tous des moutons… D’ailleurs, le vieux monsieur devait se compter parmi le cheptel, car il portait un masque lui aussi.
Les moutons font ce qu’on leur dit de faire et suivent bêtement le mouvement, comme ceux de Panurge. Panurge, dans l’œuvre de Rabelais, voulait se venger du propriétaire d’un troupeau de moutons. Pour ce faire, il lui en acheta un et le jeta à l’eau. Tous les autres suivirent et se noyèrent.
J’ai des amis qui refusent de porter le masque. On n’est pas des moutons ! Ils le refusent mais le portent quand même pour ne pas se récolter une amende. Ils se sentent contraints et protestent contre cette perte de liberté.
« Être libre, c’est ne pas avoir à porter un masque, pouvoir rencontrer ses amis, sortir le soir… » Ainsi me parlait un de ces amis, remonté contre l’exécutif de son pays.
Selon lui, être libre, c’est faire ce que l’on veut… Mais alors la liberté serait-elle conditionnée par l’absence de contraintes ?
La liberté conditionnelle… Quelle drôle de liberté.
Alors bien-sûr, oui, en regard des données épidémiologiques, on peut se poser beaucoup de questions quant aux mesures sanitaires. Il y a quelque chose de tordu dans cette situation (et pas qu’un peu). Mais protester contre le masque et les soi-disant moutons qui le portent, c’est peut-être perdre de vue l’endroit à partir duquel on peut agir pour un réel changement.
En protestant, on croit peut-être réclamer une liberté perdue, mais en fait il est possible que l’on ne fasse que s’enfermer davantage, conditionnant la liberté à l’absence d’un bout de papier devant le nez ! Abaisser la liberté à ce point, fait de nous les esclaves du dit bout de papier.
Esclave au point de ne rien pouvoir changer du tout à cette situation.
Comment pourrions-nous changer quoi que ce soit à ce que nous vivons, si nos actes ne font que réagir à ce que nous vivons ? En réagissant, en se révoltant, on subordonne ce que l’on pourrait faire à ce qui nous insupporte. On fait le jeu de ce qui nous insupporte… On nourrit ce qui nous insupporte et on perd toute clarté d’action. On ne donne pas le meilleur de soi-même.
Il y a mieux à faire que de jouer aux rebelles. Mieux que de dresser le poing et même que d’aller chercher dans le web de quoi comprendre les arrière-fonds de cette mascarade. Ce n’est pas en collectionnant les informations sur les Bill Gates et autres grands philanthropes qui veulent notre bien, que l’on se libérera de ce qui nous encombre : c’est en découvrant que c’est nous-mêmes qui nous encombrons en ne parvenant plus à être présents à ce qui se passe : nous croyons être présents à ce qui se passe, mais nous sommes projetés en avant dans des craintes et en arrière dans des questionnements. Quand notre pensée n’est pas paralysée par le doute, ce sont nos sentiments qui se paralysent de haine, à moins que notre volonté ne se paralyse de peur… Nous travaillons peut-être beaucoup à essayer de comprendre pour lever les doutes, pour calmer la peur ou satisfaire cette haine qui nous prend en pensant à ceux que l’on accuse. Mais nous perdons notre liberté en remettant à d’autres la responsabilité de notre servage. Nous la perdons en essayant de calmer la peur et de satisfaire la haine. Nous sommes asservis par elles.
Il y a une autre manière de résister, une manière libre.
Il ne s’agit pas de se battre pour récupérer sa liberté, mais de découvrir que nous avons tous un endroit en nous où nous sommes déjà libres. Un endroit à partir duquel il est possible dès maintenant de donner le meilleur de nous-même. De le donner à ceux qui nous entourent. Donner maintenant sans attente de retour, car quand on attend un retour, on se projette déjà dans un résultat espéré ; on n’est pas présent.
Donner le meilleur de soi-même en renonçant à assouvir la haine qui nous pousse à chercher dans le web ce que les grands de ce monde nous veulent de mal. Rencontrer la peur qui nous prend quand elle pousse à faire ceci ou cela, au cas où… Et la regarder sans la suivre forcément. Rester bien centré sur maintenant. Résister à l’esclavage que nous portons en nous-même et donner le meilleur.
Et alors, c’est toute cette folie qui se dégonfle et qui reprend l’importance qu’elle doit avoir, c’est-à-dire trois fois pas grand-chose… Et on porte peut-être encore un masque dans les transports en communs, mais bien plus important, c’est de ne pas se contaminer aux peurs, aux haines et aux doutes que l’on porte, pour rester disponible et libre d’agir en donnant le meilleur de soi.
Comprenez-vous qu’il ne s’agit pas de se résigner ? Il s’agit de devenir libre pour agir. On agit mieux sans chaines pour une belle société qu’en tirant derrière soi les maillons de ses haines et de ses peurs et de ses doutes…
Je vous mets en lien ci-dessous une vidéo d’un collègue que j’estime. Il dit tout cela bien mieux que moi.
Bonne écoute.
À bientôt
Guillaume Lemonde
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5 Commentaires
Voici les mots de Viktor Frankl, que je livre tels quels : “Between stimulus and response, there is a space. In that space is our power to choose our response. In our response lies our growth and our freedom.”
“Entre stimulus et réponse, il y a un espace. Dans cet espace se trouve notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse se trouvent notre croissance et notre liberté.” (pour les non-anglophones). C’est l’espace à partir duquel se fait la différence entre réagir et agir. Souvent nous réagissons à notre peur en adoptant des gestes pour la calmer. Merci Marie-Claude.
Merci beaucoup pour cet article intéressant !
Je suis pleinement d’accord qu’il faut d’abord sortir de la dualité « pour ou contre le masque » pour chercher intérieurement notre liberté. Mais lorsque nous avons la joie de connaître cet espace de paix et de sacré, comment regardons-nous le monde ? Personnellement, je sens beaucoup de culpabilité et de souffrance à mettre le masque, et pas uniquement pour moi, mais parce que cela détruit ce que nous avons de plus précieux : les relations, le psychisme des enfants, l’espérance dans un futur meilleur… Mettre le masque, c’est alors admettre que je n’ose pas affirmer ce que je pense… et c’est douloureux. Alors je m’entraîne à résister au regard des autres et à la pression sociale en ne mettant pas toujours le masque, pour me renforcer et oser un jour dire stop. Car je ne peux pas être vraiment libre ni me sentir digne, si dans mes actes, je ne suis pas fidèle à ce que je pense profondément.
Merci aussi d’avoir relayé ce magnifique partage de Louis Fouché !
Finalement, résister au regard de l’autre, c’est résister à la peur du jugement. Peut-être est-il plus simple de ne pas résister à la peur du jugement, mais de bien la vivre, une fois (car cette peur existe et résister, c’est la nourrir). De bien ressentir le jugement que l’on croit deviner chez l’autre. Comment se sent-on dans ce jugement ? Petit ? Nul ? Coupable ? Que sais-je…
Et ressentir que l’on se sent effectivement comme ça souvent. Et que l’on connait également l’inverse. Comment est l’inverse ? Ayant bien ressenti l’inverse, essayer de vivre les deux sensations en même temps, sans contrebalancer l’une avec l’autre. Juste les garder ensemble. Comment est-ce lorsque vous faites ça ? Ça m’intéresserait beaucoup de lire vos expériences. Merci beaucoup pour le commentaire, Sophie.
Merci pour cet article et pour ta proposition d’exercice, Guillaume.
Je rejoins Sophie : porter un masque toute la journée au travail, c’est difficile.
De plus, même s’il est important de découvrir l’endroit en nous où nous sommes déjà libres et de donner le meilleur de nous-mêmes, lorsque je vois ce qui nous attend avec la vaccination et le passeport sanitaire, cela ne me réjouit guère et j’ai du mal à me dire que toute cette folie “reprend l’importance qu’elle doit avoir, c’est-à-dire pas grand-chose.”
En tout cas, vive la Fouché attitude ! 🙂