J’AIME TROP LA VIE POUR VOULOIR ÊTRE IMMORTEL !
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Psychologie (Saluto Psychologie), Temporalité
- Date 17 octobre 2019
photo TEDx Paris
De nombreuses technologies, telles la génétique, l’étude des cellules souches la biologie synthétique ou la nanotechnologie permettent à certains scientifiques d’imaginer qu’il pourrait devenir possible de prolonger l’existence quasiment à infini. « Google vient même de lancer une filiale, Calico, qui se propose de lutter contre les maladies liées au vieillissement. Pour Laurent Alexandre, cofondateur de Doctissimo et auteur de La Mort de la mort (2011), le premier être humain qui vivra mille ans est peut-être déjà né.» (Source)
Très loin de partager les utopies de Laurent Alexandre, je me suis demandé ce que pourrait raconter le premier être humain préparé par les médecins pour vivre éternellement. Voilà ce qu’il m’a confié :
L’IMMORTEL
Les médecins sont formels. Il n’y a aucune raison que les opérations effectuées sur mes cellules souches ne soient couronnées de succès. Ils attendent mon accord pour se mettre à l’œuvre, et je ne mourrai pas ! Ils me promettent les prochains siècles, les prochains millénaires, l’éternité, en somme. Bizarrement, je ne partage pas leur enthousiasme. Il me reste un doute. Comment saurai-je s’ils ne se sont pas trompés ? À quel moment pourrai-je croire à leur incroyable pronostic ? Combien de temps devrai-je attendre pour être certain qu’il n’y ait pas de fin à mon existence ? Mille ans ? Dix mille ans ? C’est long comment l’éternité ? C’est jusqu’après la fin du monde ! Comment cela se passera-t-il à la fin de la Terre ? Je mourrai quand même, non ? Ce doute m’obsède. Il me ronge comme un vers obstiné au fond d’un cadavre, et finalement, avec ce doute, c’est la mort qui me hante.
COMMENT UN IMMORTEL PEUT-IL SAVOIR QU’IL L’EST ?
Comment un immortel peut-il savoir qu’il l’est ? Ce n’est pas possible. D’ailleurs, il suffirait d’avoir un stupide accident pour que cette faculté incroyable soit réduite à rien. Un rocher tombant d’une montagne, la foudre, un accident de voiture… Si j’accepte leur proposition, il va falloir que je fasse attention : ne pas me mettre en danger inutilement. Rester chez moi, peut-être. Rester dans un lieu sûr. Avec l’immortalité, la peur de mourir va assurément devenir beaucoup plus forte qu’autrefois.
En même temps, si je vis comme si je ne mourrai jamais et que je meure quand même, quand bien même serait-ce dans mille ans, j’aurai perdu mille ans… Je me serai diverti mille ans, tout en passant à côté de l’essentiel. Au dernier moment, comprenant que je vais mourir, je me retournerai sur ma vie en me disant que si j’avais su, j’aurais fait ceci ou cela tout autrement. Me croyant dans une existence sans fin, j’aurai négligé trop longtemps le point de vue que l’on prend à partir de la fin. Vous savez, ce point de vue qui justement nous permet à tout moment de nous retourner sur ce que l’on a fait… et de conclure. Sans fin à la vie, pas de conclusion. Sans conclusion, pas de développement, ni même d’introduction à rien. S’il n’y a pas de fin, on ne commence rien. On s’occupe sans s’investir. On se divertit. Est-ce la vie que je veux ? Une vie de divertissement ?
Photo : Philippe Rouzet
À CHAQUE MOMENT DANS NOTRE VIE…
À chaque moment dans notre vie, même sans nous en rendre compte, nous nous transposons vers la fin. La fin de l’activité que nous sommes en train d’exercer, mais aussi la fin de notre vie. Nous savons que toutes les expériences que nous faisons sont limitées dans le temps. Et elles le sont car notre existence l’est elle-même. Chaque jour, plein de promesses est donc en même temps teinté par la dernière fois qui s’approche. À notre insu, il est peut-être même le dernier jour.
Ainsi, la première fois et la dernière fois, se rencontrent à tout moment. Mais s’il n’y a pas de fin à la vie, rien depuis l’avenir ne vient donner son sel à l’instant que l’on vit. L’intervalle entre le début et la fin disparaît. Or, dans cet intervalle se trouve le présent. Si la fin disparaît, nous n’avons plus d’accès au présent.
Or le présent est le seul moment où nous pouvons agir et nous lier à ce qui nous entoure. Sans présent, nous ne nous lions plus, nous ne nous engageons plus.
UNE HISTOIRE SANS FIN N’A PAS DE DIRECTION.
C’est la fin qui donne leur direction aux histoires. Sans fin, le fil de la narration erre, suit des circonvolutions qui finissent forcément par se ressembler. Les scénarios à rallonge des sitcoms, en sont l’illustration parfaite. L’histoire tourne en rond. De la même manière, une vie d’immortel ne peut que tourner en rond. Il y a de l’ennui, de la routine.
Photo : Bastien M
Avez-vous déjà vu le film Highlander ? Un film de 1986, avec Christophe Lambert et Sean Connery. C’est l’histoire d’immortels que l’on voit traverser les siècles.
Vous souvenez-vous à quoi ils s’occupent ? À se provoquer en duel pour se couper la tête, la seule façon pour eux de mourir. Les immortels ont besoin de la proximité de la mort. Elle donne à leur vie une direction.
UNE ÉVIDENCE :
Ceux qui rêvent d’immortalité, refusent la mort. En refusant la mort, ils montrent qu’ils sont incapables de s’ouvrir à tous les possibles, puisque la mort fait partie de ce qui est possible à tout moment. Ils accueillent la vie au conditionnel : ils l’accueillent à condition qu’elle évite de nous confronter à la mort.
En refusant une partie de ce que la vie propose, c’est la vie elle-même qu’ils repoussent. En effet, on ne peut pas ne vouloir que la moitié du monde sans que le monde lui-même ne soit plus intègre. En refusant la moitié du monde, c’est le monde entier que l’on refuse. De la même façon, en refusant la mort, c’est la vie et tous les possibles, que l’on refuse. Et c’est parce que l’on est incapable d’accueillir tous les possibles que l’on rêve d’immortalité. C’est parce qu’on ne peut s’ouvrir à la vie, que l’on voudrait qu’elle soit éternelle. On aspire à une quantité astronomique d’années, là où la qualité de la vie nous échappe.
Pourtant, la qualité de la vie ne se mesure pas en années. Elle se vit maintenant, dans la possibilité que nous avons d’accueillir ce qui se présente à l’instant, y compris la mort. Cette disposition d’accueil s’appelle CONFIANCE. La qualité de notre vie dépend de la confiance que nous avons. Mais attention, la confiance n’est pas ce que l’on croit habituellement : elle n’est pas la projection dans une issue heureuse. Elle est l’expérience immédiate que ce qui arrive est ce qui doit arriver. Elle est paisible avec les événements qui se présentent, y compris avec la mort. Elle est paisible et pourtant absolument pas fataliste : le fatalisme attend passivement quelque chose en particulier, comme la mort par exemple. La confiance, au contraire, est active à ne rien attendre de défini : elle est ouverte à tous les possibles. Elle ne classe pas les événements en bons ou mauvais.
BREF,
la quête d’immortalité est la conséquence directe de notre manque de confiance en la vie. Elle témoigne de notre fermeture à son égard. Rêver d’immortalité, ne va pas sans haïr la vie…
Or, j’aime la vie… j’aime trop la vie pour vouloir être immortel !
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Bien à vous
GL
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4 Commentaires
Beaucoup de facettes de notre société parlent de haine de la vie. Mais il est vrai que seule la Confiance ouvre une voie vers une résilience véritable. La qualité de vie accueillie à chaque instant. Chaque rencontre vécue au présent, comme un présent.
Lorsque je réussis à vivre au présent, je m’accorde avec moi-même, je m’accorde le temps de sentir ce qui vis en moi, autour de moi. Je m’accorde la suspension du pas avant qu’il ne se pose dans une direction, je m’ouvre à ce qui vit en moi et qui va résonner avec ce à quoi je veux m’ouvrir, en percevant ce qui viens à moi…Oser cette parenthèse et les choix qu’elle amène, demande d’avoir confiance, .
Yes, c’est ça… enfin évidemment on manque un peu de mots pour parler de ces choses, puisque on utilise les meme mots pour parler de choses complètement différentes ^^ au sens cosmique, la vie c’est le grand chemin qui est parcouru, et au sens terrestre on parle de “la vie” pour dire “ce temps d’incarnation”. Au niveau terrestre on dit “la mort” pour dire “l’arrêt” , “la fin”…. au sens cosmique c’est la stagnation et la “non évolution” qui s’apparente à cette définition.
J’aime bcp le discours de Don Juan au sujet des “anciens sorciers” qui se disent tellement amoureux de la vie qu’ils trouvent l’immortalité dans une existence désincarnée qui ne connait pas de fin. Il dit alors que c’est en fait la pire des “morts”, puisque tu refuses donc l’évolution et le passage.
Encor autre chose, il n’y a rien de plus indispensable à la vie que la mort. D’un point de vue très concret, physique, mathématique meme… car s’il n’y avait pas de mort, de cycles, on finirait par consumer tout et alors toute vie s’éteindrait. cqfd.
bisoux doux
zerah