DE LA PSYCHOLOGIE À LA PSYCHOSOPHIE
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Le Je, Relation thérapeutique
- Date 6 mai 2022
DE LA PSYCHOLOGIE À LA PSYCHOSOPHIE
Nous croisons toutes sortes de gens, plus ou moins proches, avec lesquels nous avons des relations plus ou moins fluides. Nous vivons toutes sortes d’événements plus ou moins heureux et plus ou moins compréhensibles.
Tant qu’il y a une congruence entre ce que nous désirons et ce qui se présente, tout se passe bien.
Mais force est de remarquer que nous avons vraiment très peu de prise sur cette congruence : nous n’avons ni le choix de ce qui se présente, ni de ce que nous désirons. Tout cela s’impose d’abord à nous.
Certes, nous pouvons, après coup, agir sur ce qui se présente. Nous pouvons même agir sur ce qui monte comme désirs : revoir nos exigences, nous raisonner, suivre des stratégies plus ou moins conscientes et plus ou moins efficaces. Ces stratégies sont nombreuses. Elles sont bien connues des psychologues. Elles nous permettent de ne pas trop souffrir lorsque le monde extérieur ne répond pas à nos attentes, ou lorsque le monde intérieur nous tourmente.
MAIS IL EST IMPORTANT DE REMARQUER QUE TANT LE MONDE EXTÉRIEUR QUE NOS DÉSIRS S’IMPOSENT À NOUS
Il y a des moments de grâce où l’un satisfait l’autre et des moments de tension.
Les raisons pour lesquels des discordances se présentent entre les désirs que l’on porte et le monde extérieurs sont également bien connues. Entre les désirs et ce que nous percevons du monde interfère notre faculté de jugement. Celle-ci accorde d’une façon très personnelle plus ou moins de valeur à ce qui se passe. Cela va évidemment avoir une influence directe sur notre façon de relier ce que nous vivons à certains souvenirs et pas à d’autres et à classer les événements en bons et mauvais, opportuns et inopportuns, essentiels ou futiles, importants ou pas…
- Ainsi ce que nous percevons du monde agit sur notre monde intérieur.
- Selon que l’on désire ou non ce que l’on perçoit, des sentiments plus ou moins forts sont mis en mouvements. On aime ou on n’aime pas ce que l’on perçoit.
- Ces sentiments vont orienter notre jugement par lequel nous allons faire des liens avec d’autres expériences restées en mémoire. Le jugement nous permet de nous orienter.
- En retour, cela va influencer notre perception. En fonction des liens que nous faisons, nous allons accorder beaucoup d’importance à certains aspects du monde plus qu’à d’autres.
- Cela va amplifier les sentiments que nous avons de la chose vécue, confirmer notre jugement, renforcer les liens que nous faisons et nous faire encore plus focaliser sur le problème…
C’EST MÊME EXACTEMENT COMME ÇA QUE LE PROBLÈME VA NAÎTRE ET PROSPÉRER
La situation dans laquelle on se trouve semble impossible à changer (et peut-être est-elle impossible à changer) car la perception qu’on en a est influencée par ce que l’on connaît (les liens que l’on fait) : chaque hypothétique rêve de changement (un petit désir qui émergerait par là) est étouffé par le souvenir des échecs ou des dangers que ce changement impliquerait.
ALORS ON RECHERCHE LA FACULTÉ DE JUGEMENT D’UN AUTRE
On va voir un psychologue, un conseiller, un aumônier, un ami… On essaie, grâce à eux, de faire d’autres liens, d’élargir le point de vue jusque-là focalisé sur un seul aspect. On essaie de percevoir une issue à ce problème et de redonner de la place aux désirs. Et ça marche tant que ça marche. Peut-être retrouve-t-on une congruence grâce à ces entretiens, ces rencontres.
J’AIMERAIS À PRÉSENT POSER UNE QUESTION
si nous n’avons tout d’abord ni le choix de ce qui se présente comme ça se présente, ni de ce que nous désirons comme nous le désirons, si tout cela s’impose à nous et nous pose problème… si la rencontre du monde extérieur avec notre monde intérieur se donne comme elle se donne, indépendamment de ce que nous pouvons y faire, où sommes-nous dans l’équation ?
Autrement dit : il y a un monde extérieur qui nous est donné tel qu’il est et il y a un monde intérieur qui s’est développé jusqu’à aujourd’hui et qui est lui aussi tel qu’il est. Où sommes-nous lorsque les deux se rencontrent ?
Le monde extérieur et le monde intérieur forment un contexte. Comment habitons-nous ce contexte ? Sommes-nous le jouet du contexte ou avons-nous d’une façon ou d’une autre voix au chapitre ?
Sommes-nous réduit seulement à chercher des stratégies pour ne pas souffrir de ce que le contexte extérieur et intérieur déterminent chez nous, où pouvons-nous décider de quelque chose permettant de ne pas suivre cette détermination ?
Comme l’acteur sur la scène du théâtre, sommes-nous déterminés par le décor qui nous est donné ou parvenons-nous à décider de nous lancer dans une improvisation avec ce qui est ?
PARVENONS-NOUS À NE PAS RENDRE LE DÉCOR RESPONSABLE DE NOTRE PROBLÈME ?
Quand l’acteur se lance dans son improvisation, il rencontre ce qui voudrait le déterminer et devenir un problème. Il rencontre la peur. Il rencontre la peur. La peur le détermine à tout faire pour qu’elle soit calmée. Quand l’acteur se lance, il ne répond pas à la peur, il la traverse.
Il perçoit que les circonstances sont difficiles et que ce serait plus facile si les circonstances étaient autrement, mais il ne se perd pas en regrets et en espoir. Ill se rend présent aux circonstances.
SE RENDRE PRÉSENT, C’EST INTÉGRER LE PASSÉ ET LE FUTUR
C’est, par exemple, regretter et espérer en même temps, avec la même intensité.
C’est sentir l’impuissance à pouvoir changer quoi que ce soit et en même temps le puissant désir de vouloir que les circonstances soient autres.
LA PUISSANCE ET L’IMPUISSANCE QUE L’ON ARRIVE À MAINTENIR ENSEMBLE, S’EXCLUENT RÉCIPROQUEMENT
(sinon elles se combattent en nous et nous enferment plus profondément dans le cercle infernal décrit plus haut).
Tenir la puissance et l’impuissance en conscience ensemble, c’est ouvrir la possibilité de changer quelque chose, car alors on est présent à ce qui se passe et ce n’est qu’au présent que les choses peuvent changer.
On peut alors choisir.
D’un côté, on peut choisir
- de suivre l’impuissance qui nous mène à nous oublier dans les circonstances plus fortes que nous.
- de nous oublier dans la puissance déterminée par les circonstances que l’on veut supprimer.
D’un autre côté, on peut choisir de rester entre la puissance et l’impuissance.
CE CHOIX-LÀ EST CELUI DE « JE SUIS PRÉSENT »
Il est celui de ce qui en nous ne se laisse pas déterminer par les circonstances.
Et ce choix peut tout changer. Par exemple, on peut choisir de quitter une situation intolérable. Ce n’est alors pas une fuite impuissante, ni une stratégie. C’est un acte librement posé et ouvrant de nouvelles possibilités. On n’est plus en train d’espérer que la situation change. On espère et en même temps on décide de tenir en conscience que jamais cela ne changera. Il faut de la présence pour décider de considérer que la situation intolérable que l’on vit ne changera pas !
RENONCER À VOIR LE MONDE CHANGER AVEC LA MÊME INTENSITÉ QUE L’ON VOUDRAIT QU’IL CHANGE, EST UN ACTE DE PRÉSENCE
Alors, à partir de cette expérience incompréhensible à ceux qui ne l’ont pas faite, on peut se mettre en chemin et se positionner d’une manière libre avec ce qui est.
On sort d’un cercle infernal. Il ne s’agit plus de comprendre les tenants et les aboutissants de ce que l’on vit afin de trouver du sens ou une nouvelle orientation (agir sur la faculté de jugement, sur les liens que l’on fait, sur les perceptions et sur le désir), mais d’engager sa volonté.
ON PASSE D’UNE PSYCHOLOGIE À UNE PSYCHOSOPHIE
La psyché devient apte à recevoir JE SUIS.
JE SUIS devient présent dans un contexte où jusque-là se rencontraient un monde intérieur et un monde extérieur sans que nous n’y puissions rien.
Comment se chemin se fait-il ? Comment exerce-t-on cette présence selon les obstacles rencontrés ? Comment cela peut-il être mis en pratique dans la consultation de psychologie ou dans le rapport que l’on a, en tant qu’enseignant, à ses élèves ?
Telles sont les questions abordées lors des formations Saluto.
Guillaume Lemonde
Médecin, chercheur, développe et enseigne la démarche Saluto dans ses différents champs d'application. Après des études de médecine à Lyon, il découvre la pédagogie curative et la sociothérapie, alliant la pédagogie et la santé. Pour lui, la question de toujours est d’offrir l’espace et les moyens permettant à chacun de devenir acteur de sa vie. Il ouvre un cabinet en Allemagne où il poursuit ses recherches dans le cadre de l’éducation spécialisée, puis en Suisse.
À partir de l’étude des grands chapitres de la pathologie humaine, il met en évidence quatre étapes de la présence à soi et au monde (1995) et découvre et développe à partir de cette recherche la Salutogénéalogie (2007) et la démarche Saluto (2014).
Il donne des conférences et des séminaires de formation pour enseigner cette démarche.
Il est auteur de publications faisant état de ses travaux.