COMMENT TOUT A COMMENCÉ
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Au sujet de la Saluto
- Date 13 mai 2019
Fin des années 80. J’étais étudiant en médecine, tout fraichement admis en deuxième année. Mannik, une chanteuse dont certains se souviendront, donnait un concert dans la région lyonnaise. Une de ses chansons parlait d’une flamme qui s’éteint. Je ne me souviens plus du titre (si vous le connaissez, dites le moi dans les commentaires. Merci !!!). Cette métaphore m’interpela beaucoup. Je me disais que lorsqu’on allume une bougie, le feu doit être apporté. Il ne vient pas tout seul sur la mèche. Alors, de retour chez moi, je me demandais d’où venait la flamme dont Mannik parlait, et qui s’éteindrait un jour.
Et puis, j’ai pensé à la bougie. Pour recevoir une flamme, on fabrique une bougie. La flamme est la raison de l’existence de la bougie. Elle est une raison dans l’avenir. C’est la flamme qui est première dans l’histoire, me disais-je, pas la bougie… Je me suis donc demandé si la raison de notre vie, la raison de ce que nous vivons, et même les maladies que l’on nous apprenait à diagnostiquer, ne seraient pas, elles-aussi, à chercher dans ce qui se passe après.
Vers la fin de mes études, une rencontre importante vint répondre à cette question. C’était un matin à l’hôpital. Je suivais la visite d’un grand Professeur. Imaginez tout un aréopage de blouses blanches autour du lit d’un patient un peu effrayé. Le Professeur examina la courbe de température, lit le dossier. Et soudain, juste avant de partir, il s’adressa au principal intéressé :
Vous avez de la chance, lui confia-t-il. Notre métier c’est de débusquer l’ombre et de la détruire avant qu’elle ne grandisse. Dans votre cas, nous avons réussi et je peux vous annoncer que vous allez vous en tirer ! Le Professeur sortit, suivi de sa suite. Je restais un instant. C’est un poète, votre Professeur ! me dit l’homme dans son lit. J’aurais pourtant aimé lui répondre que s’il y a de l’ombre, c’est qu’il y a de la lumière. Il ne faudrait pas l’oublier !
– Je ne comprends pas, lui répondis-je.
– Vous êtes probablement trop jeune. Retournez-vous sur votre vie quand vous serez plus âgé. Vous verrez que la belle lumière que vous aurez découverte en vous, aura rendu nécessaire qu’il y ait eu des ombres à traverser dans votre vie.
Et je repensais à Mannik ! La faculté ne nous enseigne rien au sujet de la lumière qui éclaire la vie depuis l’avenir. Pourtant, cette lumière est essentielle. C’est la lumière de l’être, que l’on découvre avec le temps. Elle s’approche à travers les expériences que l’on traverse. Cette lumière est comme un Soleil. Et c’est parce que le Soleil est encore à venir, qu’il y a des ombres à traverser.
Certes, les maladies, les épreuves, les crises existentielles, peuvent toutes s’expliquer d’après ce qui s’est passé avant.
Mais ne pourraient-elles pas également être causées par une ressource qui nous manque encore ?
Ne pourraient-elles pas être l’ombre projetée d’une ressource en train d’advenir ?
La médecine, comme une torche dans la nuit, essaie de repousser un peu ces ombres. Mais comment rendre le soleil présent et dissiper ce qui pose problème ? Plutôt que de supprimer l’ombre, comment aider à la traverser ? Comment rendre présent les qualités qui sinon viendront plus tard, quand on se retournera sur notre existence ? Comment reconnaître ces ressources qui nous manquent ? Comment les exercer ?
Pendant quatorze ans, ces questions me conduisirent à essayer de comprendre les grands chapitres de la pathologie humaine. Je constatais que notre médecine lutte contre des symptômes, alors que tous ces symptômes ne sont que la tentative d’équilibrer un manque. C’est le manque d’une ressource encore à venir qui est à l’origine du symptôme !
Par exemple, dans une allergie, nous essayons d’empêcher le débordement immunitaire métabolique. Mais la cause réelle de l’allergie se trouve dans un manque de défenses aux limites de l’organisme. Plutôt que de lutter contre un symptôme, il me semblait plus intéressant de trouver comment faire advenir cette ressource-là.
Une expérience personnelle me fit ensuite rencontrer les théories des transmissions transgénérationnelles (voir “Découvrir la Salutogénéalogie” publié sur ce site). C’était en 2007. Ces théories nous présentent nos aïeux comme étant à l’origine de nos problèmes actuels. Mais je m’aperçus qu’ils peuvent devenir à l’inverse de précieuses ressources, pour peu que nous sachions comment nous relier à eux. Ils ont en quelque sorte une fonction qui porte la lumière depuis l’avenir et chacun des quatre grands-parents a une fonction différente. Je découvrais que les quatre fonctions grands-parentales sont superposables avec les quatre ressources que j’avais étudiées au sujet des pathologies humaines.
Ce domaine de la Saluto, que je nommais Salutogénéalogie en réponse à la psychogénéalogie dont elle prenait le contre-pied, fut le premier domaine d’application à voir le jour. Il fallait décrire au mieux ces fonctions grands-parentales et savoir reconnaître qui pourrait bénéficier de laquelle. Ces questions furent partagées avec Cyr Boé, un très bon ami.
Les premiers cours virent le jour avec lui. À cette époque, je croyais pouvoir enseigner les fonctions grands-parentales en décrivant ce que nous avions compris. Mais je m’aperçus que nous restions, avec ces descriptions, à une approche très périphérique à l’essentiel : Nous passions à côté du moment présent, où un être se révèle ici et maintenant à travers un explicite rigoureux.
Je renonçais donc à ces grandes descriptions et découvrais dans le concret d’une plage de Bretagne, de quoi aller plus loin. C’était un jour de grande marée, le vent qui soufflait, me bousculait au point que je cherchais la terre. Quand le vent est trop fort, on cherche la terre, me disais-je. Et c’est parce que la terre manque encore que le vent est trop fort pour nous… Ces réflexions collaient avec un des chapitres de la Salutogénéalogie.
Très vite je découvris quatre paysages fondamentaux, superposables aux quatre fonctions grands-parentales : l’océan, le désert, la montagne et la forêt.
Grâce à eux, il devenait possible de distinguer ce qui vient du passé et ce qui vient de l’avenir.
Pour l’océan, l’air d’un côté et la terre de l’autre. L’air s’est mis à souffler: il vient du passé, pourrait-on dire. Il s’est mis à souffler. La terre, à l’inverse, on la cherche. Elle manque. Elle est encore à venir. Alors qu’est ce que l’air en moi ? Comment se manifeste-t-il ? Qu’est ce que la terre en moi ? Comment se manifeste-t-elle ?
Il devenait possible d’apprendre à percevoir un intervalle entre deux éléments. Je sortais du cercle étroit des considérations familiales : la Salutogénéalogie s’élevait à une démarche Saluto plus large, non médicale. Elle devenait un repère pour lire ce qui vient de l’avenir et comment le rendre possible.
Encore fallait-il préciser l’écoute, ne pas s’en tenir à une impression, résister à la tentation de conclure trop vite. La question importante était de découvrir comment percevoir distinctement et d’une façon transmissible, la bonne ressource et comment l’exercer. Il fallait devenir concret, présent, laisser la perception directe se déployer.
Des exercices spécifiques se mirent en place.
Souvent, quand nous rencontrons une difficulté, nous ne regardons pas au bon endroit. Nous cherchons les causes qui sont derrière, alors qu’une raison essentielle est que nous sommes appelés à découvrir une aptitude encore inconnue. Comment savoir quelle aptitude exercer ? Comment l’exercer ? C’est à ces questions que la démarche Saluto s’intéresse.
Guillaume Lemonde
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4 Commentaires
Bonjour, pas de commentaires à écrire pour l’instant.
Merci beaucoup pour les beaux mots. Vous voulez dire que nos aieux vont nous aider une flamme dans le future??
Depuis que j’habite à Montréal je vais visiter ma tante qui habite à Murcia, sud de l’Espagne, elle a 92 ans, je la visite parce que je veux absolument que mes enfants la connaisent. Aussi car quand je suis venue il y as 10 ans à Montréal, mon pere est decedé au même moment. Mon pere venait de Murcia, nous on as habité toujours à Madrid. Murcia apartient à mon enfance. ET ma tante était la meilleure amie de mon pere. En visitant ma tante chaque été je cherche peut-être mon enfance, mon pere perdu, la sagesse de ma tante, toujours joyeuse, croyante, genereuse, tolerante. Je cherche en elle la possibilité de la paix, le repos, les sourires. je ne sais pas. Ça soulage mes manques de famille ici, au Quebec. Mais, et si j’habiterais en Espagne? si je ne serais jamais partie? est ce que je visiterais ma tante chaque été?
Bonjour, effectivement, en nous rapprochant d’un aïeul, nous rencontrons la fonction qu’il porte au-delà de sa personnalité. Par exemple, lorsqu’il est difficile de s’ouvrir à une nouvelle situation, c’est à dire, lorsqu’une ancienne situation nous manque, on peut rechercher la grand-mère-paternelle (je ne peux pas expliquer ici pourquoi, ce serait un peu long). Or, une tante paternelle remplit une fonction analogue. On passe dans les deux cas par le père pour aller rencontrer la grand-mère-paternelle ou la tante. Ce sont des figures qui peuvent nous faire rencontrer, lorsque l’on se met en lien avec elles, la confiance que les circonstances sont en ordre comme elles sont: la confiance en la vie, la paix. Cela rend le passé léger et l’avenir ouvert. Cette quête de confiance est indépendantes des contingences de nos vies. Je ne sais pas si vous auriez visité votre tante de la même façon si vous n’étiez jamais partie loin de votre pays d’origine. Mais elle aurait pour vous eu tout autant d’importance. Ce sont nos quêtes profondes qui forment les circonstances et non les circonstances qui font les quêtes… Bien à vous.