ANDRÉE CHEDID : Qui reste debout ?
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Le Je
- Date 23 février 2021
Qui reste debout ? (1968)
D’abord,
Efface ton nom
Abolis ton âge
Supprime tes lieux
Déracine ce que tu sembles
Qui reste debout ?
Maintenant,
Ressaisis ton nom
Revêts ton âge
Adopte ta maison
Pénètre ta marche
Et puis…
À n’en plus finir,
Recommence ?
Andrée Chédid[1]
Note de lecture :
Andrée Chedid propose un entre-deux… Une expérience non-duelle, un intervalle dans lequel il est possible de se déposer. Ce à quoi je m’identifie est présent pendant un moment puis ne l’est plus. Puis l’est de nouveau…
J’efface mon corps.
il est pour la vie qui le traverse, comme la montre qui mesure le temps. La montre n’est pas à l’origine du temps qu’elle mesure. Le corps n’est pas à l’origine de la vie qui le traverse. Il est pénétré par elle.
J’efface la vie qui pénètre ce corps.
Je ne suis pas fait des cycles de la vie qui traversent le corps, ni de ceux qui traversent mon existence. La biologie, ni même la double hélice de l’ADN ne sont à l’origine de ce que je suis devenu. De même les cycles des saisons comme ceux des habitudes qui sont les miennes… C’est au contraire ce que je suis devenu qui se saisit de cette vie.
J’efface ce que je suis devenu.
Mon nom, mon âge, ma profession, ma fonction sociale, mes valeurs… Tout ça, ce n’est qu’un grand feu de joie qui se consume dans le vent qui l’alimente. Le vent qui tournoie… comme le sentiment d’être tout cela, alors que je ne le suis pas.
J’efface le sentiment d’être tout cela.
Je ne suis pas non plus ce mouvement de mes sentiments dans lesquels je m’anime. Je suis animé par mes sentiments comme le bateau par le vent. Mais le vent ne décide pas du trajet du marin. C’est le marin qui décide de la direction qu’il fera jouer avec le vent.
Et pourtant je suis ce corps, cette vie qui le traverse, cette identité, ces sentiments animés.
Et je ne le suis pas.
Et je le suis.
Et je ne le suis pas…
Qui reste debout ?
[1] Fiche Wikipedia : Andrée Chedid, née Andrée Saab le 20 mars 1920 au Caire (Sultanat d’Égypte) et morte le 6 février 2011 à Paris, est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise.
Elle écrit son premier roman en 1952 et écrit des nouvelles, des poèmes, des pièces de théâtre, des romans, et de la littérature jeunesse. Elle déclare son humanisme entre autres avec son livre Le Message, écrit en 2000, en écrivant sa colère envers la guerre et la violence, à travers deux amants séparés par des guerres. Les héroïnes de ses œuvres sont décidées, prêtes à tout pour atteindre leur objectif.
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1 commentaire
Un immense MERCI Guillaume pour ce poème d’Andrée Chedid, il résonne particulièrement fort et de façon émouvante et vraie dans ce que je vis ces temps !… Merci
Bien à toi, amicalement.
Nicole