C’EST COMMENT, LA CONFIANCE ?
C’EST COMMENT, LA CONFIANCE ?
Mettons qu’un randonneur rencontre un torrent lui barrant le chemin. Il se pourrait bien qu’il se mette à vitupérer et peut-être même à essayer de comprendre pourquoi ce torrent ne figure sur aucune carte, pourquoi personne ne l’a prévenu et pourquoi ça lui arrive à lui… Mais quand va-t-il arrêter de se braquer et d’accueillir la possibilité qu’un torrent se trouve là où il ne le voulait pas ?
Cela vous est-il déjà arrivé, en montagne, de vous retrouver devant un obstacle ?
Ce que j’aimerais décrire peut durer une si petite seconde que nous n’y prêtons souvent pas attention. Quand l’obstacle se présente, il y a d’abord un moment d’arrêt. C’est à ce moment-là que peuvent se dire des mots plus ou moins choisis pour exprimer la déconvenue. Mais très vite, notre regard s’élargit. Il ne reste pas sur le chemin, il essaie d’embrasser le paysage à la recherche d’un autre passage. Ce petit moment, durant lequel le regard s’ouvre, est précisément celui où nous faisons l’expérience de la confiance. Lorsque l’on parle de confiance, on peut se représenter un talent un peu lointain qui nous fait défaut. Certes, il est souvent lointain et il nous fait souvent défaut. Mais nous le connaissons bien pourtant. Nous l’expérimentons précisément lorsque devant un obstacle, nous ouvrons le regard à plus grand que l’obstacle lui-même.
La confiance est une activité intérieure qui permet de ne pas rester focalisé sur ce que l’on espérait.
L’espoir est une attente passive de quelque chose de particulier.
Par exemple, nous pouvons avoir bon espoir de ne pas rencontrer d’obstacle sur le chemin, et cela est passif puisque nous n’avons pas le pouvoir de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’obstacles.
La confiance, quant à elle, est ouverte à tous les possibles.
Elle nous offre d’être ouverts à tous les obstacles possibles, non pas que nous soyons préparés à tout ce qui pourrait arriver (c’est impossible.), mais parce que nous avons alors suffisamment de mobilité intérieure pour ne pas rester fixés sur ce à quoi nous nous attendions.
Ouverte à tous les possibles, la confiance n’est pas pour autant une passive approbation de ce qui arrive. Un être confiant n’est pas indifférent à ce qui se passe, mais complètement engagé. Il ne dira pas que le torrent lui fait ni chaud ni froid, mais fera l’expérience qu’il peut regarder ce torrent, alors que jusque-là, il n’aurait même pas supporté qu’on lui dise qu’il pourrait y en avoir un. Sa perception était voilée par les espoirs qui l’habitaient. À présent, le randonneur est ouvert à ce qu’il ne pouvait pas ou ne voulait pas espérer.
Ainsi, la confiance nous offre de percevoir la vie encore plus largement et plus profondément que ce que nos espoirs peuvent nous faire rêver.
Ce qui me semble important de soulever ici, c’est que les espoirs répondent aux peurs que nous avons et qu’ils sont toujours accompagnés de la peur, plus ou moins consciente, qu’ils ne puissent être réalisés. Ainsi, les espoirs, comme produit d’une peur, sont le fruit d’une antériorité. Ils enfoncent leurs racines dans le passé. Ils naissent d’un contexte que l’on voudrait différent. Ils sont une précieuse lumière dans la vie, mais une lumière qui n’éclaire qu’aussi longtemps que le contexte le permet.
La confiance, quant à elle, est ouverte à tous les possibles. Elle ne dépend donc pas du contexte et n’est donc conditionnée par rien du tout. De ce fait, elle ne trouve pas ses racines dans une antériorité ; ce qui signifie qu’on ne reçoit pas le talent de la confiance du contexte qui est le nôtre. On ne l’obtient pas en cadeau de notre nature, de notre biologie, de notre milieu social, etc. Elle est un talent qui n’est pas là, a priori. Un talent qui est à faire advenir. Littéralement, cela signifie que ce talent vient de l’avenir. Il vient depuis l’autre bout du chemin. Il s’approche de nous. Et aussi longtemps qu’il n’est pas devenu présent, ce sont nos espoirs qui le remplacent.
La confiance est une affaire de présence là où les espoirs puisent au passé leur essence qu’ils projettent dans le futur. Exercer la confiance, c’est exercer la présence : se tenir entre le passé et le futur.
Dans le futur, il y a l’espoir de ce que l’on attend soit réalisé. Dans le passé, il y a l’absence de ce que l’on attend.
L’exercice de la confiance pourrait consister en cette chose toute simple qui serait de vivre un moment avec l’espoir qui nous habite. Comment est-ce que je me sens lorsque je me dis que mon espoir s’est réalisé (je me place ainsi dans le futur.). Dans un deuxième temps, comment est-ce que je me sens lorsque je me dis que mon espoir n’est pas réalisé (je me place ainsi dans le passé). Dans un troisième temps, j’essaie de laisser résonner ces deux expériences ensemble. Je les mets sur le même niveau sans préférer l’une à l’autre. Je me tiens attentivement avec les deux. Cette expérience est celle de la présence confiante. Ce qui se passe est en ordre.
Le torrent est là. Le torrent n’est pas là. Et puis après ? Le sommet que je veux atteindre ne dépend pas du torrent. J’ouvre mon regard au-delà du torrent.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
3 Commentaires
Parfaitement clair et inspirant.
Merci 🙂
…avec cette confiance s installe alors le calme nécessaire pour faire face à l obstacle avec inspiration et imagination
merci pour cet écris inspirant oui .
Mais me vient alors une autre question est ce que je peux nourrir mon espoir de confiance ? alors avec quel temps puis je conjuguer cette nature d espoir ? 😉
nourrir l’espoir de confiance… c’est un jeu de réactualisation permanent de l’espoir qui nous habite alors, il me semble. En réalité, dans les moments de confiance, l’espoir qui jusque-là nous soutenait, n’a plus lieu d’être. Il est remplacé par une disposition à s’engager dans le monde. Mais c’est alors un engagement pour une chose en soi, indépendamment de toute représentation que l’on peut s’en faire. Seul le “quoi” de l’engagement compte alors. Le “comment ce sera”, le “avec qui ce sera”, le “où ce sera”, le “quand ce sera”, n’ont plus d’importance. Chaque jour vient apporter de quoi déblayer un peu plus le chemin pour ce “quoi” qui s’approche et devient toujours plus précis… Voilà ce que j’en dirais.