LA CITATION DU MARDI – Sénèque
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Philosophie, Présence et attention, Psychologie (Saluto Psychologie)
- Date 7 novembre 2021
« Si c’est l’intérêt et un vil calcul qui me rendent généreux,
si je ne suis jamais serviable que pour obtenir en échange un service,
– je ne ferai pas de bien à celui qui part pour des pays situés sous d’autres cieux, éloignés du mien, qui s’absente pour toujours;
– je ne donnerai pas à celui dont la santé est compromise au point qu’il ne lui reste aucun espoir de guérison;
– je ne donnerai pas, si moi-même je sens décliner mes forces, car je n’ai plus le temps de rentrer dans mes avances.
Et pourtant (ceci pour te prouver que la bienfaisance est une pratique désirable en soi) l’étranger qui tout à l’heure s’en est venu atterrir dans notre port et qui doit tout de suite repartir reçoit notre assistance : à l’inconnu qui a fait naufrage nous donnons, pour qu’il soit rapatrié, un navire tout équipé. Il part, connaissant à peine l’auteur de son salut : comme il ne doit jamais plus revenir à portée de nos regards il transfère sa dette aux dieux mêmes et il leur demande dans sa prière de reconnaître à sa place notre bienfait : en attendant nous trouvons du charme au sentiment d’avoir fait un peu de bien dont nous ne recueillerons pas le fruit.
Et lorsque nous sommes arrivés au terme de la vie, que nous réglons nos dispositions testamentaires, n’est-il pas vrai que nous répartissons des bienfaits dont il ne nous reviendra aucun profit ?
Combien d’heures l’on y passe ! Que de temps on discute, seul avec soi-même, pour savoir combien donner et à qui ! Qu’importe, en vérité, de savoir à qui l’on veut donner puisqu’il ne nous en reviendra rien en aucun cas ?
Pourtant, jamais nous ne donnons plus méticuleusement :
jamais nos choix ne sont soumis à un contrôle plus rigoureux qu’à l’heure où, l’intérêt n’existant plus, seule l’idée du bien se dresse devant notre regard. »
Sénèque, Les Bienfaits
Note de lecture :
Lorsque l’on agit pour l’autre sans attendre de notre action un quelconque bénéfice ou un retour sur investissement, le bien qui sera accompli n’a rien de personnel. Il nous dépasse absolument. Il revêt une qualité universelle. D’aucun appelle ce bien, amour.
La présence nécessaire pour y parvenir demande un accueil absolu de ce qui est. Elle nécessite un absolu désintéressement. Si l’on espère autre chose que ce qui est, c’est que l’on a placé un intérêt personnel dans le monde et l’action qui nous guide retombe au rang des biens personnels.
Illustrant magnifiquement ce texte de Sénèque, vous pourrez découvrir en suivant ce lien, ce que Line a dit avant de mourir.
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