QUAND L’ÉMOTION REMPLACE LE MANQUE DE PROFONDEUR
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Exercices pratiques
- Date 15 septembre 2023
QUAND L’ÉMOTION REMPLACE LE MANQUE DE PROFONDEUR…
Il n’y a pas si longtemps de cela, tous les titres des journaux tournaient autour de la fameuse Covid-19. Depuis 2020, c’était LE sujet. Rien d’autre ne semblait exister. La planète entière était hérissée de protéines de pointe. Notre attention était occupée par un virus. Elle était focalisée sur lui. Ce tout petit élément du monde avait eu, certes, de graves répercutions ; mais ces graves répercussions venaient essentiellement de ce que les personnes en position de décider de mesures à prendre, avaient focalisé, elles aussi, sur cet unique élément, tout en perdant la vue d’ensemble. En bref, la santé s’était vue réduite à l’absence d’une PCR positive… Il fallait tout faire, coûte que coûte, pour que les PCR restent négatives. Les conséquences sur la santé mentale des gens, sur le suivi des autres maladies, sur l’accompagnement des personnes âgées et des mourants, mais aussi sur l’économie et bien d’autres aspects ont été dramatiques… Nous n’allons pas ici refaire l’histoire.
Je note simplement qu’il n’est pas facile de ne pas focaliser notre attention sur un seul élément.
Par exemple, nous entendons un oiseau, puis une voiture passer, puis la cloche de l’église, puis le marteau-piqueur… Nous passons d’une focale à une autre, sans arrêt ; regardons l’oiseau, voyons la voiture passer, puis nous regardons notre montre quand nous entendons sonner l’église, puis nous tournons la tête vers le marteau-piqueur, etc.
Nous sommes comme ce photographe qui inspecte un portrait et qui voit ici une ride, là un bouton, tout en oubliant de prendre du recul pour observer le visage en entier. Ce n’est pas naturel de prendre du recul, de regarder le visage en entier tout en observant précisément ses parties. Ce n’est pas naturel de ne focaliser sur aucune d’elles, mais de ne pas laisser pour autant le regard flotter. Focaliser partout en même temps, pourrait-on dire. Non pas passer très vite d’un détail à un autre, mais tout tenir ensemble, paisiblement. Laisser se former le visage en soi. Prendre cette apparition en soi et découvrir que ce visage en dit bien plus que la somme de toutes ses parties. Cette attention n’a rien de naturel.
Naturellement, nous focalisons et nous retrouvons avec une somme encombrante de détails. En matière d’information, c’est la même chose. Un flot continu d’informations nous submerge et nous n’y voyons pas clair. Nous n’avons pas le recul nécessaire. Alors nous allons trier ce qui nous semble vrai et ce qui nous semble faux. Nous allons faire notre ordre, selon des critères tout personnels.
Nous sommes comme ce photographe qui, plutôt que de regarder ce que le visage de la photo pourrait lui raconter, va effacer ici la petite ride, là le petit bouton et lisser toutes les aspérités qui ne lui plaisent pas, selon des critères tout personnels ; critères nés d’une inclination de sa sensibilité. Il classe ce qu’il voit selon des jugements de valeur qui lui appartiennent. Il se refait un monde à lui, en fonction de ses jugements.
En somme, son jugement remplace son manque de profondeur.
Il juge que cette ride doit disparaître de la photographie, car il lui est difficile de prendre du recul et de voir ce que le visage lui raconte. Il ne rencontre pas le visage, mais ses propres jugements esthétiques.
C’est parce que nous ne parvenons pas à être attentifs à l’ensemble des informations que nous recevons que nous sommes enclins à émettre des jugements au sujet de certaines d’entre-elles. Plus nous manquons de profondeur et plus nous jugeons.
Nous classons le monde en Pro et en Anti. Il y avait les pro-vax et les anti-vax (le niveau zéro de l’approche thérapeutique). Aujourd’hui il y a les pro-russes et les anti-russes (le niveau zéro de la géopolitique). Les tenants de la cause humaine du réchauffement climatique et les sceptiques, les tenants de la voiture électrique et les opposants, etc. C’est le même phénomène, la même difficulté à rester attentif. La même difficulté à ne pas focaliser. La même difficulté à être présent à ce qui se passe.
Partout où l’information est unilatérale (donc focalisée), elle flatte le sentiment et séduit le jugement, conduisant au parti-pris. Si vous n’entendez qu’un seul son de cloche, vous êtes dans un monde où manque la profondeur, puisque la profondeur ne peut être perçue que lorsque l’on arrive à être attentif à au moins deux éléments différents en même temps.
En fait, pour prévenir les jugements hâtifs, il faudrait favoriser la pluralité des points de vue. Cette pluralité donne matière à tenir ensemble des éléments semblant parfois contradictoires et cet intervalle paradoxal est naturellement insupportable. Naturellement, nous préférons choisir, selon notre sensibilité, ce qui doit être gardé et ce qui ne doit pas l’être. Nous trions, comme le photographe devant le portrait qu’il retouche, la ride que nous refusons et celle que nous pouvons garder. La pluralité de point de vue nous offre de nous tenir là où naturellement, nous n’aimons pas être : dans un intervalle paradoxal. Là où de la profondeur peut être perçue. Là où on n’a pas besoin de choisir et donc de juger.
Toujours de nouveau, je m’exerce à écouter ce que disent les uns et les autres sans choisir ce qui me semble juste ou faux. J’essaie de les tenir toutes ensemble. Je les garde sans les trier, avec toute l’attention possible. Quand un point de vue exposé à la radio me semble faux, mon premier mouvement est de discuter avec le journaliste. Si je suis un peu attentif, je cesse alors aussitôt cette discussion et j’essaie de comprendre ce point de vue et de m’en souvenir.
L’attention que nous pouvons mettre pour garder en conscience les informations que nous rencontrons, sans choisir celles qui nous plaisent et repousser les autres, permet de ne pas laisser le sentiment décider de notre jugement. Cela permet de rester avec l’information et de constater bientôt que nous n’avons pas à décider de ce qui est vrai ou faux. En effet, les pièces du puzzle vont se mettre en place d’elles-mêmes. C’est réellement comme avec un puzzle. Ce n’est pas en essayant de faire passer chaque pièce du puzzle dans la petite échancrure sur laquelle nous nous focalisons, que nous parvenons à faire un puzzle, mais en gardant le plus de pièces en mémoire, toutes ensemble. Les rapports entre les pièces apparaissent alors d’eux-mêmes.
Je vous invite à écouter les informations et à retenir les propos qui sont partagés sur les ondes même s’ils ne vous plaisent pas. Retenez-les tous avec attention, surtout ceux qui ne vous plaisent pas ou que vous trouvez stupides. Au bout d’un moment, le vrai et le faux se distingueront. Le monde, dans sa complexité vous apparaîtra. Il est profond là où le mensonge, lui, n’a aucune profondeur : ce qui est mensonger est simple, unilatéral et s’empare des émotions pour séduire notre jugement.
Bien à vous,
Guillaume Lemonde
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1 commentaire
Merci, à exercer si facile de zapper ce qui ne nous plait pas.