1984, ORWELL ET LES FAKE NEWS
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Actualité, Articles, Démarche Saluto, Droit et société
- Date 30 novembre 2021
NOUS SOMMES RESPONSABLES DES FAKE-NEWS
Dans son roman 1984, Orwell écrivait :
« Ce processus de continuelles retouches était appliqué, non seulement aux journaux, mais aux livres, périodiques, pamphlets, affiches, prospectus, films, enregistrements sonores, caricatures, photographies. Il était appliqué à tous les genres imaginables de littérature ou de documentation qui pouvaient comporter quelque signification politique ou idéologique. Jour par jour, et presque minute par minute, le passé était mis à jour. On pouvait ainsi prouver, avec documents à l’appui, que les prédictions faites par le Parti s’étaient trouvées vérifiées. Aucune opinion, aucune information ne restait consignée, qui aurait pu se trouver en conflit avec les besoins du moment. L’Histoire tout entière était un palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que c’était nécessaire. Le changement effectué, il n’aurait été possible en aucun cas de prouver qu’il y avait eu falsification.»
Ce processus de continuelles retouches n’est pas le privilège du gouvernement dystopique du roman 1984 : nous procédons tous exactement de la même manière lorsque nous trions sans cesse les informations qui nous viennent en fonction de ce qui nous convient. Le remarquez-vous ? Celles qui ne nous conviennent pas, nous ne leur accordons pas de valeur, les jugeons fallacieuses, bonnes à être jetées et les effaçons tout simplement. Bref, nous pratiquons nous aussi un méticuleux travail de censure privée.
Il suffit qu’une information ne valide pas ce que l’on pense pour que nous concluions qu’elle ne peut être que fausse ou manipulée ou parcellaire.
C’est avec bonne conscience que nous sautons une étape dans la démarche de connaissance.
Au lieu de tout considérer et reconsidérer toujours, exerçant le doute scientifique quant à ce que nous tenons pour évident, nous écartons systématiquement ce que nous savons faux, sans pour autant penser la chose. Alors nous gardons les informations qui vont dans notre sens et censurons le reste car le reste. Nous sommes victimes d’un biais cognitif bien connu, le biais de confirmation.
Sous l’emprise de ce biais, ce que l’on croit détenir comme vérité n’est que la production de notre jugement. Si quelqu’un s’avise à la remettre en question, c’est notre jugement qu’il remet en question ! Plutôt qu’une démarche de pensée, on assiste à un combat conduisant chacun à se réfugier derrière des arguments d’autorités ; caressant l’espoir que la vérité qu’ils croient détenir devienne indiscutable et donc finalement universelle. En attendant, ces pseudo vérités sèment la zizanie dans les familles et divisent les peuples.
Si nous voulons œuvrer pour la vérité, nous avons à découvrir comment accueillir sa réelle universalité plutôt qu’à imposer notre point de vue à l’univers.
Plutôt que de ne garder que les pensées qui nous plaisent, parvenons-nous à élargir notre regard et à garder près de nous, avec les informations qui nous conviennent, celles qui ne nous conviennent pas ? Parvenons-nous à soutenir la tension que ce mélange provoque en nous ? Parvenons-nous à soutenir les paradoxes ?
Sur la pente naturelle que nos sympathies imposent aux pensées, nous avons à opposer une attention déterminée.
Si je tiens, avec les pensées qui me plaisent, celles que d’autres me proposent, un espace qui ne dépend plus de ma personne s’ouvre à moi. Un espace ou l’universel peut résonner et ou de nouvelles idées peuvent surgir. La vérité se donnera alors bien plus riche que ce que j’avais entre-aperçu.
Sans cette attention, je reste dans le jugement et l’invective. Or en matière de jugement, ce qui importe, c’est de convaincre et non de connaitre. On donne aux autres de quoi nourrir leur propre jugements arbitraires, participant à la production de mensonges. Chacun rêve plus ou moins consciemment d’imposer son point-de-vue au plus grand nombre. Toute mesure gardée, chacun se comporte comme le gouvernement de 1984, rêvant de parvenir aussi bien que lui à imposer son point-de-vue.
Il est important de comprendre que lorsque l’on déplore que certains médias fassent disparaitre des articles compromettant pour eux, ils agissent comme nous qui nous détournons des informations qui ne nous vont pas. Ce n’est pas en repoussant ce que l’on pense faux que l’on fait surgir le vrai, mais en tenant les pensées opposées aux nôtres avec les nôtres sans les laisser combattre en nous. Soutenir les paradoxes, d’une attention sincère.
Guillaume Lemonde
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