ACTIF À NE RIEN ATTENDRE DE PARTICULIER
ACTIF À NE RIEN ATTENDRE DE PARTICULIER
Existe-t-il un mot dans notre langue qui puisse désigner le talent d’être activement à n’attendre rien de particulier ?
Il est facile de ne rien attendre. Il suffit de rester passif, de dormir. Mais actif à ne rien attendre de particulier, c’est une autre paire de manches. C’est cela qu’il faudrait que ce mot puisse désigner : une disponibilité absolue à ce qui arrive sans que ce qui arrive ne soit envoilé de nos propres projections. Naturellement nous projetons sur ce qui va arriver des souhaits et des craintes. Le souhait que cela arrive comme nous le désirons ou la crainte que ça ne se passe pas bien.
Nous attendons naturellement quelque chose de très précis. Cette attente s’appelle espoir quand il faudrait que ce qui arrive tourne en notre avantage et fatalisme quand on s’attend à ce que ça ne soit pas le cas.
Le mot que nous cherchons devrait désigner non pas cette attente passive de quelque chose de particulier, mais une non attente active.
Ce qui arrive n’est alors pas à classer en mauvaise ou en bonne chose. Quand on est disponible à tout ce qui peut arriver, tout est en ordre et l’expérience est faite alors que la vie, même si ce qui arrive ne nous plaît pas, est bonne. Fondamentalement bonne. Notre activité mentale proteste, indisponible à percevoir les cadeaux que nous pouvons recevoir. Elle s’en tient aux apparences. Une maladie grave, un coup du sort, un accident, n’ont rien de bon en soi. Mais ce talent qui est ouvert à ce qui arrive sans classer les événements en bons ou mauvais découvre de la vie tout autre chose qu’une ennemie.
Un jour une amie qui m’avait dit être dans une situation difficile et inextricable, au point de ne pas savoir comment finir son travail écrit de fin d’étude et en même temps assurer un déménagement, m’appela pour me dire qu’il lui était arrivé quelque chose d’inattendu et d’assez extraordinaire. Un événement venait de tout arranger.
La vie était bonne avec elle.
Ce qui s’était passé, c’est qu’elle était tombée de vélo et s’était cassé le bras gauche. Personne… Il ne viendrait à l’idée de personne que la vie ait été bonne avec cette amie. Un travail à écrire pour lequel elle manquait de temps, un déménagement qui lui prenait encore plus de temps et là-dessus un accident assez grave… Les problèmes lui venaient en escadrille, n’est-ce pas ? C’est ce que n’importe qui pourrait se dire.
Mais quand on a le talent d’être activement dans l’attente de rien de particulier, ce qui est un accident peut être vécu également comme un cadeau. De fait, cette amie était intérieurement disponible pour accueillir ce qui lui arrivait sans classer l’événement en mauvais ou en bon événement. Il était comme il était. Et elle obtint de son bailleur compréhensif un délai pour son déménagement ce qui lui permit d’écrire son travail de la main droite (non plâtrée).
Pour lors, le mot que j’utilise pour désigner ce talent est CONFIANCE. La confiance en la vie, qui n’est pas l’espoir que tout va bien ce passer (souvent confiance et espoir sont confondus), mais la non-attente active.
Guillaume Lemonde