COMMENT EXERCE-T-ON LE LIBRE ARBITRE ?
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Exercices pratiques, Relation thérapeutique
- Date 18 août 2023
COMMENT EXERCER LE LIBRE ARBITRE ?
La notion de libre arbitre est étroitement lié à celle de déterminisme causal. Sommes-nous libre de nos actes si nous n’avons pas conscience de ce qui détermine les motifs qui les sous-tendent ? Pour David Hume (1) ou Baruch Spinoza (2) la chose est entendue : la liberté est illusoire et provient de l’ignorance des causes qui nous déterminent. Mais est-ce que la connaissance de ces causes nous rendrait libre pour autant ? Le nageur a-t-il besoin, pour être libre dans sa nage, de connaître en quoi la physiologie, la composition de l’eau et le théorème d’Archimède (3) le déterminent ? Non, il a besoin de faire l’expérience directe de son corps, de l’eau et de la poussée d’Archimède. Est-ce en comprenant un traumatisme de l’enfance que nous allons aller mieux ? Est-ce cela qui nous permettra de poser des actes qui ne soient plus parasités par les échos du passé, mais qui puissent être cohérents avec le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui ? Nous aimerions qu’il en soit ainsi. Nous aimerions que la connaissance nous libère et que nos actes puissent devenir libres grâce à elle. Le rationalisme en a fait son credo. Cependant, en pratique, il n’en est rien. La connaissance éclaire le contexte dans lequel notre volonté s’exerce, mais ne donne pas à la volonté sa force. Si un malheur arrive, même si nous cherchons à le comprendre et à identifier les causes qui l’ont fait surgir, ce n’est pas cela qui nous aidera à trouver en nous le courage de continuer ou la confiance par laquelle la vie se montre dans ce qu’elle a d’inconditionnellement bon. La connaissance permet de donner du sens à ce qui est arrivé, mais la volonté que nous déployons lorsque nous avons à répondre de ce qui s’est passé, ne provient pas du même endroit.
Comme le disait Bernard de Clairvaux, « il y a une différence entre connaître et vouloir». L’exploration du placard pour en connaître chaque recoin, n’empêche pas l’enfant d’être paralysée par la peur du monstre qu’il imagine caché à l’intérieur dès que la lumière s’éteint. Paralysé dans sa volonté, il ne pourra pas sortir de son lit, alors qu’il sait que l’armoire est vide.
Connaître est un chemin que l’on parcourt en allant vers le passé. On cherche sur ce chemin les causes des phénomènes que l’on rencontre et les réponses aux « pourquoi ». Ce faisant, on s’éloigne en quelque sorte de la situation difficile. On prend distance.
Lorsque nous exerçons notre volonté, nous nous tenons à l’inverse au début d’un chemin qui s’ouvre depuis l’avenir. Nous nous tenons au présent et rendons possible ce qui doit advenir à travers nos actes.
La volonté s’exerce au présent.
Exercer la volonté, c’est donc choisir d’être au présent. Là où la pensée cherche dans une cause précédant le phénomène dont elle s’occupe, la preuve de son existence et les conséquences de celle-ci, par la volonté nous nous mettons en lien avec ce qui se trouve ici à cet instant. Ce qui se trouve ici et à l’instant se perçoit et s’éprouve.
Ainsi, le libre arbitre s’exerce au présent de ce qui est éprouvé et perçu.
Son exercice nous demande de rencontrer le phénomène qui se propose plutôt que de nous reculer sur le chemin de la pensée. La pensée mettrait en lumière la situation que nous rencontrons, mais ce serait comme de l’extérieur puisqu’en même temps elle nous ferait perdre toute expérience directe de ce qu’il s’agit d’éprouver.
Au présent de ce qui est éprouvé et perçu…
1- Pour commencer, il y a nos perceptions (ce que nous regardons et ce que nous écoutons, pour n’évoquer que ces deux champs perceptifs). Nous ne sommes pas naturellement présents à ce que nous percevons. Avec chaque perceptions, nous suivons passivement deux chemins bien connus en psychologie. L’un nous conduit à mettre en lien la chose perçue avec un souvenir, au point que bientôt nous ne percevons plus vraiment la chose en soi, mais ce que nous projetons dessus. L’autre vient directement agir sur nos sentiments. Ce n’est alors plus la chose que nous percevons, mais les sentiment que cette chose provoque en nous. Ainsi, nous nous déterminons par rapport à cette chose en fonction des souvenirs et des sentiments que cette chose provoque en nous. Notre volonté, déterminée par ce que nous projetons sur la situation, ne peut pas se tenir dans la cohérence de ce que la chose nécessite. Elle ne le peut que par l’exercice du libre arbitre qui est ici un exercice de présence aux perceptions.
Un tel exercice se trouve en suivant ce lien.
2- Nos perceptions sont influencées, disions-nous, par les souvenirs que nous projetons sur elles (souvenirs qui se présentent comme des associations d’idées que les perceptions appellent). Ces associations d’idées demandent donc elles aussi toute notre attention. Nous avons donc à exercer notre présence au milieu des pensées qui nous viennent sans cesse.
Un tel exercice se trouve en suivant ce lien.
3- Ces associations d’idées se font en fonction du point de vue qui est le nôtre. Notre point de vue, c’est à dire également notre système de valeurs, requière donc toute notre attention.
Un tel exercice sera exposé dans une publication ultérieure (voir note en bas de cet article).
4- Notre système de valeur est déterminé par nos sentiments, nos sympathies et nos antipathies, nos désirs… Comme l’écrit Spinosa dans l’Ethique : “Nous ne désirons pas les choses parce qu’elles sont bonnes, mais nous les déclarons bonnes parce que nous les désirons.”
Nos sympathies et antipathies sont également à prendre en compte dans notre exercice du libre arbitre.
Un tel exercice se trouve en suivant ce lien.
5- Enfin, nos sentiments sont influencés par nos perceptions. Nous l’avons déjà dit… La boucle est donc bouclée puisque nous venons d’évoquer la nécessaire pratique d’exercices de présence aux perceptions.
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La suite de cet exposé paraîtra sur le site, dans les Cahiers de la Saluto, Collection Téléo-psychologie, sous le titre : ÊTRE PRÉSENT, C’EST COMMENT. Les Cahiers de la Saluto sont une nouvelle formule présentant des textes d’environ 24 pages, au format A5 et à la rédaction plus exigeante que les articles hebdomadaires. Le premier numéro paraîtra prochainement. Il sera annoncé par l’infolettre du samedi.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
NOTES:
(1)-David Hume (1711-1776), un des plus importants penseurs des Lumières écossaises, est le fondateur de l’empirisme moderne (avec Locke et Berkeley). Il ouvrit la voie à l’application de la méthode expérimentale aux phénomènes mentaux. Hume eut une influence profonde sur Kant, sur la philosophie analytique du début du XXe siècle et sur la phénoménologie. Il est le précurseur des sciences cognitives.
(2)- Baruch Spinoza (1632-1677) est, avec Descartes et Leibniz, l’un des principaux représentants du rationalisme. Le spinozisme se caractérise par un rationalisme absolu, une définition de l’homme par le désir et une conception de la liberté dans la nécessité.
(3)- Tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et égale (et opposée) au poids du volume de fluide déplacé.
Médecin, chercheur, développe et enseigne la démarche Saluto dans ses différents champs d'application. Après des études de médecine à Lyon, il découvre la pédagogie curative et la sociothérapie, alliant la pédagogie et la santé. Pour lui, la question de toujours est d’offrir l’espace et les moyens permettant à chacun de devenir acteur de sa vie. Il ouvre un cabinet en Allemagne où il poursuit ses recherches dans le cadre de l’éducation spécialisée, puis en Suisse.
À partir de l’étude des grands chapitres de la pathologie humaine, il met en évidence quatre étapes de la présence à soi et au monde (1995) et découvre et développe à partir de cette recherche la Salutogénéalogie (2007) et la démarche Saluto (2014).
Il donne des conférences et des séminaires de formation pour enseigner cette démarche.
Il est auteur de publications faisant état de ses travaux.
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