FOI, CONNAISSANCE ET NEUROSCIENCES
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Présence et attention, Relation thérapeutique, Santé et maladie
- Date 7 juillet 2023
FOI, CONNAISSANCE ET NEUROSCIENCES
« En 1998, la revue britannique Nature publiait les résultats d’une enquête concernant le niveau de croyance chez les chercheurs impliqués dans la recherche fondamentale (E. LARSON et L. W ITHAM, « Leading scientists still reject God », Nature, 1998, 394, p. 313).
Si 94,5 % des biologistes tendent vers un athéisme déclaré ou clandestin, ce pourcentage atteint près de 100 % dans le domaine des neurosciences. En revanche, le niveau d’incroyance s’avère relativement plus faible chez les mathématiciens (85,7 %), les astronomes (92,5 %) et les physiciens (92,5 %). Plus généralement, l’athéisme augmente linéairement avec le degré de compétence scientifique des chercheurs – phénomène qui relèverait d’une plus grande liberté conceptuelle et d’une plus grande ampleur du sens critique. »
Le matérialisme neuronal et la question de la transcendance, Christian Poirel, dans Archives de Philosophie2005/1 (Tome 68), pages 77 à 94.
Ainsi, l’athéisme relèverait d’une plus grande liberté conceptuelle et d’une plus grande ampleur du sens critique.
Cette conclusion est-elle vraie ?
L’athéisme est-il la condition de la liberté conceptuelle et du sens critique ? Est-il au contraire la conséquence d’une certaine façon de rencontrer la réalité ?
VOICI PLUSIEURS SIÈCLES QUE LA FOI SE VOIT OPPOSÉE À LA CONNAISSANCE.
Mais n’est-ce pas parce qu’on a fait des mystères de la foi « un objet d’affirmation ou de négation » (Simone Weil – L’enracinement) alors qu’ils devraient être un objet de contemplation ?
CONTEMPLER ?
Celui qui contemple un phénomène, (par essence mystérieuse, puisqu’il est l’objet d’une rencontre), n’analyse pas ses parties pour le réduire à la somme de celles-ci. Il l’embrasse complètement, au contraire : il reste en silence avec tous les détails perçus, sans passer de l’un à l’autre. Il les garde ensemble en conscience.
Cela nécessite de l’attention. Cela demande de soutenir le vide d’une incompréhension sans d’abord chercher de réponse.
C’est bien sûr à l’extrême opposé d’une méthode focalisant sur un détail pour l’analyser.
Lorsque l’on contemple, c’est par l’attention que l’on offre à tout un phénomène qu’il révèle son mystère. La réponse que l’on ne cherche pas, tout en gardant vive la question, se donne dans l’attention que l’on offre aux faits.
Cela suppose évidemment que l’on accepte la possibilité que la vérité ne soit pas une production humaine mais un aspect de la réalité que l’on rencontre.
Cela suppose donc de rencontrer la réalité et non de réfléchir à des modèles statistiques.
Les chercheurs à qui l’on demande de l’objectivité, ne rencontrent pas les faits, mais les étudient comme tels, sans y mettre rien d’eux-mêmes. Ils n’ont donc pas à habiter leur subjectivité de l’attention nécessaire à la contemplation. Ils peuvent en faire l’épargne puisqu’ils ne sont pas liés personnellement.
LÀ SE TIENT EN GERME L’ATHÉISME.
À ce moment-là, la réalité ne s’offre pas dans sa vérité, mais à travers une théorie que l’on qualifie de « vérité du moment » ; une vérité relative et donc, du point de vue de la réalité, une demi-vérité qui par nature est une erreur.
Une loi du monde réellement rencontrée ne peut être que vraie. Le théorème de Pythagore est vrai. Le principe d’Archimède dit que “tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale vers le haut égale au poids du volume de liquide déplacé”, est vrai. Ces découvertes sont nées de la contemplation des phénomènes.
Avoir la foi, ce n’est pas se plier au registre des commandements d’un pape obscur, mais développer l’attention nécessaire pour embrasser le monde dans sa réalité bien plus profonde que la somme de ses parties.
Avoir la foi, c’est être avec cette évidence que le monde est plus profond que la somme de ses parties et qu’il se révèle grâce à l’attention qu’on lui offre.
Plus on est spécialisé (tel un neuroscientifique), plus on perd de vue l’ensemble de la réalité. On fixe des détails que l’on essaie de comprendre pour eux-mêmes tout en perdant tout contact avec ce qui est plus grand que la somme des détails concernés. Le monde perd sa profondeur.
Cette démarche induit l’athéisme puisqu’elle enlève toute possibilité de contemplation.
Méconnaissant la cohérence du monde, on se retrouve alors à devoir soi-même organiser les faits, selon un point de vue personnel (les connaissances actuelles que l’on a intégrées). En guise d’objectivité, on soulève des faits très précieux que l’on associe à des conclusions qui sont donc possiblement fausses. Et rien, selon cette méthode ne permet de distinguer le vrai du faux.
Mais comme on pense, avec les neurosciences, avoir la lecture possible de toute la métaphysique, on en fait une anti-religion : une métaphysique matérialiste dans laquelle aucune transcendance n’a de place (autrement dit dans laquelle le monde n’a pas de profondeur). Son objectivité conduit à l’erreur du fait même que la réalité n’est rencontrée qu’à travers un de ses éléments, sorti du tout.
JE QUESTIONNE LES CONCLUSIONS DES NEURO-SCIENCES
Les faits qu’elles permettent de découvrir sont éminemment importants et précieux. Ce qui m’interroge, c’est que les conclusions que l’on en tire ne peuvent par essence que rencontrer l’humain d’une façon extérieure et donc matérielle. Les conclusions que les neuroscientifiques tirent des faits sont biaisées du fait même de leur méthodologie.
Par exemple, des neuroscientifiques ont établi des scores permettant de mesurer la façon dont les personnes sont liées à une réalité transcendante… Ils l’ont ensuite corrélé grâce à de l’imagerie fonctionnelle, avec la densité de récepteurs à la sérotonine dans le néocortex (une diminution de la captation de la sérotonine est corrélée à la dépression). La réponse est claire : il existe une corrélation inverse entre les scores de transcendance et le nombre de récepteurs. (Borg J, Andrée B, Soderstrom H, Farde / The serotonin System and spiritual expériences /Am J Psychiatry. 2003 Nov;160(11):1965-9.)
Que croyez-vous que l’on va en conclure ? Que ceux qui ont un lien à plus grand qu’eux-mêmes n’ont pas un grand besoin de sérotonine ou que le lien à plus grand que soi-même est le symptôme d’une dépression latente ?
Guillaume Lemonde
PS: un ami proche me fait la remarque suivante : J’imagine que la manière de poser les questions des enquêteurs ne cherchaient pas à révéler la foi (telle que tu la définis) des personnes enquêtées. J’imagine que l’enquête voulait connaître les croyances des personnes enquêtées. Tu parles d’un qualité d’âme et les enquêteurs testent des croyances
il me semble que vous ne parlez pas de la même chose.
Effectivement, nous ne parlons probablement pas de la même chose, mais les conclusions de ces chercheurs me donne un point d’appui pour évoquer ce que pourrait être la foi au sein de la recherche scientifique. Il est important de distinguer la foi de la croyance.
Médecin, chercheur, développe et enseigne la démarche Saluto dans ses différents champs d'application. Après des études de médecine à Lyon, il découvre la pédagogie curative et la sociothérapie, alliant la pédagogie et la santé. Pour lui, la question de toujours est d’offrir l’espace et les moyens permettant à chacun de devenir acteur de sa vie. Il ouvre un cabinet en Allemagne où il poursuit ses recherches dans le cadre de l’éducation spécialisée, puis en Suisse.
À partir de l’étude des grands chapitres de la pathologie humaine, il met en évidence quatre étapes de la présence à soi et au monde (1995) et découvre et développe à partir de cette recherche la Salutogénéalogie (2007) et la démarche Saluto (2014).
Il donne des conférences et des séminaires de formation pour enseigner cette démarche.
Il est auteur de publications faisant état de ses travaux.
1 commentaire
Bonjour Guillaume,
Ex-neuroscientifique moi même (ex parce que croyant? Je m’interroge), il me semble que la clé ici est effectivement la distinction entre foi et croyance. Pour les avoir côtoyés pendant plusieurs années, j’ai toujours été frappé par deux choses assez flagrantes chez les chercheurs en science naturelle en générale et les neuroscientifiques en particulier. L’une est que j’ai invariablement entendu au sortir de conférences les uns clamer qu’ils croyaient à la démonstration proposée, les autres non. Sur la base d’une même présentation, cette observation me permet de formuler l’hypothèse que l’adhésion des scientifiques aux RESULTATS aussi bien qu’aux THEORIES ou HYPOTHESES présentés n’est affaire que de biais qui chez d’aucuns les pousse à adhérer et d’autre à réfuter. Leur croyance même semble bien labile même dans ce monde soi-disant cartésien. En tout état de cause, Je n’ai pas ressenti que la Vérité ait été la préoccupation centrale de mes condisciples de l’époque en tout cas pas au niveau megascopique.
L’autre chose qui m’a toujours interrogée est l’émergence successives des théories scientifiques. Celles-ci sont généralement portées par ceux dont la voix domine la mêlée par le truchement de leur renommée ou la puissance de leur organe ou celle de la politique qu’ils mènent en coulisse. La théorie d’un temps souvent s’efface devant celle portée par un plus vitupérant ou mieux introduit ou qui a simplement survécu au chercheur précédent. Il est certain que la compétition aux financements qui sévit dans le monde de la recherche, celle-ci dépendant étroitement de l'”impact factor” de l’ensemble des publications d’un auteur et donc de sa capacité à s’immiscer dans l’espace scientifique et donc d’influencer les croyances, n’est pas étranger à la volonté de chacun d’imposer une vérité parfois éphémère.
Évidemment loin de moi l’idée de généraliser la recherche à ces pratiques car comme en tout domaine, la majorité des résultats générés représente, comme tu le dis une part de vérité. Comme toute autre type d’information dont on est abreuvés. D’ailleurs plus qu’une part de vérité puisque il est fort à parier que dans le contexte expérimental précis dans lequel ces résultats ont été générés ceux-ci reflètent effectivement l’absolue vérité du phénomène mesuré. Représente-t-il en cela l’ensemble des résultats possibles, généralisables pour en apprendre plus sur le “plus grand que cela”, bien souvent non. C’est peut-être la raison pour laquelle, une vaste majorité des résultat des études en biologie publiées après relecture (j’oserais le chiffre de 80% demémoire mais il faudrait vérifier cet excès de confiance mnésique) ne sont pas reproductibles. Ils représentent la vérité indéniable d’un phénomène exceptionnel, c’est à dire mesuré dans des conditions si contrôlées et particulières que la complexités des éléments interférants les uns avec les autres qui y ont conduit sont presque impossibles à reproduire dans un autre laboratoire, ou même au sein du même laboratoire à un autre moment de l’année, avec un autre manipulateur, des conditions d’humidité différentes etc. Peut-être éclairent-ils malgré tout sur un élément du grand tout mais leur intégration et si difficile qu’il est presque impossible de visualiser l’ensemble. Et donc la vérité n’en devient que relative et spécialisée, donc sujette à interprétation et adhésion biaisée. Et c’est là, comme pour les informations dont on nous abreuve que la manipulation peut-être délétère. Il me semble que d’exposer la relativité, le caractère exceptionnel parce que contextuel d’une information ou de résultat scientifiques serait bien plus honnête pour refléter un bout de vérité….relative.
C’est plus du fait de cette intégration impossible vers l’établissement de la vérité plutôt que de l’existence de ma foi (qui est bien réelle) que j’ai déserté ce monde que j’avais idéalisé dans mon jeune âge…. Je ne peux qu’adhérer à ton propos qui suggère que l’abandon )d’une croyance, d’un idéal, de pensées etc.) pour gagner en présence est sans doute le premier pas vers la Vérité.
Bien à toi
Gael