L’INCONSCIENT – EN DEÇÀ OU AU-DELÀ DE LA CONSCIENCE ?

L’INCONSCIENT – EN DEÇÀ OU AU-DELÀ DE LA CONSCIENCE ?

La logique veut que les expériences que nous faisons devraient pouvoir toutes s’expliquer d’après une antériorité. Comme les causes précèdent forcément leurs conséquences, nous allons chercher à comprendre ce qui nous arrive d’après ce qui s’est passé dans un autrefois plus ou moins lointain.

Mais sur ce chemin, on risque de perdre bien vite toute intelligence (c’est à dire toute clarté), car les causes des causes sont trop lointaines et résident à des époques que notre conscience ne peut pas atteindre. Elles sont d’avant notre naissance et donc inconscientes, en dessous de la conscience.

Que ce soit un inconscient personnel, comme pour Freud, ou collectif, comme pour Jung, cela n’en reste pas moins un inconscient difficile à explorer, puisque prenant racines loin dans le passé. Si l’on souhaite suivre ce chemin, une espèce d’archéologie de la psyché est nécessaire. Elle s’entreprend par une analyse ou tout autre moyen, selon les écoles.

La particularité de telles études de l’inconscient, est qu’elles se font après coup : des situations ont été vécues et l’on vient en parler : on se laisse aller à des associations d’idées, on interprète les rêves, etc. Cela se fait après coup puisque pour trouver dans le passé les causes pouvant expliquer ce que l’on est en train de vivre, il faut bien que ce que l’on est en train de vivre ait déjà plongé dans le passé au moins d’un peu… 

Une autre approche de l’inconscient peut être envisagée si on change de point de vue.

Notre manière de percevoir le monde, de ressentir, de juger et de faire des corrélations, dépend, certes d’un passif inconscient enfoui en-dessous de la conscience, mais dépend également d’une impossibilité de faire autrement que ce que nous faisons !

Faire autrement, c’est à dire, percevoir autrement, ressentir autrement, juger autrement, et faire d’autres associations d’idées, demanderait de découvrir comment ne pas être déterminé par cet inconscient d’en dessous de la conscience. Cela demanderait donc de découvrir, dans un espace de liberté intérieure, un talent permettant d’être au présent de ce qui est vécu et non conditionné par le passé ; un talent permettant d’être présent aux perceptions, aux sentiments, à la faculté de jugement et aux associations d’idées qui sinon nous influencent. Comme ce talent est celui qui permet une telle liberté, il ne peut logiquement pas provenir lui-même de ce qui nous enferme dans un déterminisme, c’est à dire du passé. Il est au contraire à faire advenir. Il vient de l’avenir. Il s’approche de nous.

J’ai publié bon nombre d’articles évoquant cette double temporalité. Vous les trouverez sous ce lien.

Parfois, au cours de la vie, on se retourne sur ce que l’on a vécu et l’on remarque que l’on a changé, que l’on a gagné en maturité. Lorsque l’on remarque cela, c’est justement que l’on est arrivé à un de ces points de l’existence ou un talent qui était à venir est devenu présent.

Ces talents sont ceux de notre propre présence qui la plupart du temps est endormie, nous laissant dormir dans les draps du passé.

Mais à certains moment elle s’éveille et dans ces moments-là, on éprouve par exemple que la vie est bonne alors qu’extérieurement elle est difficile; on éprouve que ce n’était pas parce que la situation était difficile que l’on n’osait pas se lancer, mais parce que l’on osait pas se lancer que c’était difficile (comme l’écrit Sénèque à Lucilius) et l’on découvre ce courage d’oser… On découvre un espace de liberté inconditionnelle.

Autant ces talents de notre présence au monde font perdre aux événements difficiles leur caractère d’épreuve, autant ils déterminent les épreuves aussi longtemps qu’ils ne peuvent être rendus présents.

Ils sont responsables des épreuves que nous traversons du simple fait que nous ne pouvons traverser sans heurs les événements sans eux.

Ils sont, de nos épreuves, les causes agissant depuis l’avenir. Ce sont les « causes finales » de nos épreuves, autrement dit, ils sont les talents que nos épreuves nous permettent d’exercer, mais dont nous n’avons aucune idée a priori.

On pourrait les comparer une lumière qui se lève devant nous à l’horizon et qui projette ici une ombre d’autant plus forte que cette lumière appelée à devenir présente est proche.

On peut plonger dans l’ombre par l’analyse de la psyché, cherchant ce que cette ombre cache en fouillant le passé. C’est une façon de faire… Mais on peut aussi porter son attention sur la lumière qui depuis l’avenir se lève et dont nous n’avons aucune idée à priori.

Ces talents qui sont à venir se trouvent, du fait même qu’ils sont à venir, eux-aussi dans un inconscient, mais c’est un inconscient au-delà de la psyché.

Ils sont ceux de notre propre présence, appelée à venir habiter la psyché.

Ainsi, l’exploration de cet au-delà de la conscience ne peut pas se faire à posteriori mais au présent, dans l’accueil de ce qui se présente, lors de l’expérience elle-même, à travers les choix que nous faisons, les renoncements que nous décidons, les consentements que nous voulons.

C’est cette expérience que la démarche Saluto permet de mettre en évidence et d’exercer.

Guillaume Lemonde