LA MALADIE COMME TENTATIVE DE GUÉRISON
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, La démarche, Santé et maladie
- Date 16 septembre 2022
La maladie comme tentative de guérison… Une idée étrange dont il va être question ici.
Habituellement, lorsqu‘une personne se présente à la consultation, on fait la liste de ses symptômes. On s’occupe de la plainte. N’est-ce pas ce que l’on attend d’une consultation médicale ? Si Monsieur Durand présente une difficulté mictionnelle, la difficulté mictionnelle est au centre. On demande à Monsieur Durand d’en parler, ce qu’il fera exactement comme s’il racontait un problème de plomberie dans sa salle de bain. Monsieur Durand et sa façon de s’exprimer, ses aspirations, ses souvenirs, ses craintes et ses espoirs, intéressent bien moins que les symptômes qui le dérangent. Bien-sûr, cela n’empêche pas d’avoir de bonnes relations avec Monsieur Durand. Mais le diagnostic d’hypertrophie prostatique que l’on posera chez lui n’en dépend absolument pas. D’ailleurs, il pourrait s’appeler Dubois ou Dupont, que cela ne changerait rien non plus à la prescription proposée. On a tout simplement appris à traiter le problème d’hypertrophie de la prostate que présente Monsieur Durand, en général, et tandis que l’on se réfère à ces connaissances générales, on n’a que faire de Monsieur Durand en tant qu’il est Monsieur Durand. Comme dit, cela n’empêche pas d’avoir pour lui de la bienveillance et de l’empathie. Mais si ces sympathiques inclinations favorisent l’échange, elles ne changent pour autant rien à la méthode diagnostic et thérapeutique.
Ayant posé ceci, il est possible de dire que la maladie est abordée par l’université d’une façon extérieure à la personne qui en souffre ;
au point que la personne qui en souffre n’a pas part à la genèse de la maladie, si ce n’est d’une façon toute extérieure, elle aussi : on retiendra tout au plus un contexte toxicologique, bactériologique, virologique, génétique, biologique, traumatologique, psychologique, etc… Le médecin s’intéresse au contexte, mais pas à Monsieur Durand en particulier.
Il est important de s’intéresser au contexte.
Pas besoin de développer ce point. Quand il est délétère, il est important d’y remédier. Mais Monsieur Durand, en tant qu’il est Monsieur Durand, ne devrait pas pour autant être oublié.
C’est comme si le médecin avait à aider un pianiste qui aurait à disposition un piano désaccordé et qu’il oubliait le talent que le pianiste peut exercer lui-même pour accorder ce piano.
Le piano désaccordé, c’est le contexte du jeu du pianiste. Le médecin s’intéresse à ce piano et cherche des moyen d’aider le pianiste, car il a étudié comment les pianos fonctionnent. Il ne s’intéresse pas au pianiste et à son talent, mais au contexte de son jeu : le piano, qu’il pourra peut-être raccorder.
Mais le pianiste qui joue sur le piano désaccordé, vient consulter car il ne sait pas comment faire avec son instrument. D’autres pianistes, avec le même problème, ne vont pas mal… Ils ont remarqué à temps que le piano se désaccordait, ou bien savent comment l’entretenir, ou encore comment tirer parti de ce qu’ils ont à disposition. Bref, Monsieur Durand en tant qu’il est Monsieur Durand et non n’importe qui d’autre, est appelé à découvrir comment se mettre en lien avec le contexte qui le dérange. Et c’est même parce qu’il a à le découvrir, que le contexte le dérange.
Si nous voulons considérer chaque situation d’une manière globale, nous devons nous tenir à la jonction de deux réalités tout aussi importantes l’une que l’autre. En effet, la maladie émerge dans la rencontre d’un être en chemin à travers un contexte. Elle survient quand la rencontre est difficile et que cette difficulté devient un lieu d’apprentissage pour que la rencontre se fasse.
En bref, de ce point de vue (qui n’est absolument pas universitaire) la maladie est l’expression d’une quête : celle de trouver la ressource pour se mettre en lien avec un contexte difficile. Et elle est l’occasion d’une tentative de guérison de cette difficulté.
C’est pourquoi, quand on s’occupe du contexte, comme on le fait habituellement (contexte somatique, psychologique, etc), sans prendre en compte l’être, on nie la possibilité d’un apprentissage. On nie la possibilité d’un chemin, d’une évolution, d’une croissance intérieure, etc. On réduit l’être à son corps (somatique et psychique).
À l’inverse, si on imaginait devoir s’occuper de l’être sans se soucier du contexte (comme dans une sorte de développement spirituel de certaines approchent parallèles qui repoussent toute donnée universitaire), on nierait la matérialité qui est justement le champ d’exercice d’un apprentissage.
La santé ne peut être trouvée qu’à la rencontre de ces deux points-de-vue.
D’une part, il est essentiel de connaître le contexte (ce que permet la connaissance médicale ou psychologique, etc).
D’autre part, il est essentiel de savoir percevoir la ressource, le talent qui manque à Monsieur Durand en tant qu’il est Monsieur Durand, pour aller bien avec ce qui fait actuellement problème (et c’est ce que propose la démarche Saluto). Quel talent est-il en train de chercher ? Comment l’exercer ?
Accompagner Monsieur Durand demandera de trouver comment accorder ces deux points de vue.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
Médecin, chercheur, développe et enseigne la démarche Saluto dans ses différents champs d'application. Après des études de médecine à Lyon, il découvre la pédagogie curative et la sociothérapie, alliant la pédagogie et la santé. Pour lui, la question de toujours est d’offrir l’espace et les moyens permettant à chacun de devenir acteur de sa vie. Il ouvre un cabinet en Allemagne où il poursuit ses recherches dans le cadre de l’éducation spécialisée, puis en Suisse.
À partir de l’étude des grands chapitres de la pathologie humaine, il met en évidence quatre étapes de la présence à soi et au monde (1995) et découvre et développe à partir de cette recherche la Salutogénéalogie (2007) et la démarche Saluto (2014).
Il donne des conférences et des séminaires de formation pour enseigner cette démarche.
Il est auteur de publications faisant état de ses travaux.
3 Commentaires
Merci pour ce très bel article qui a éveillé tout mon intérêt!
Votre travail est maintenant à mon point de vue!
Je vous suit une très bonne journée!
Viviane
Effectivement, la maladie, bien que ses symptômes et pronostique soient étudiés de manière généralisée, se vit différemment selon les individus et selon le contexte spécifique à chacun lors du moment de la survenue. Très souvent, la maladie touche le cœur de notre quête. Aurait-il un cadeau derrière ? Difficile de voir quand la souffrance prend le dessus.
C’est tellement vrai !!! Que dire d’autre? sinon que les symptomes nous obligent à creuser, à descendre dans les profondeurs de notre être. De là à dire que la maladie n’est pas une ennemie mais une aide sur notre chemin caillouteux…je sais trop bien que c’est difficile à admettre quand on souffre. Merci pour cette analyse.