LUSSEYRAN : CE QUI EMPÊCHE DE LIRE LES PENSÉES D’AUTRUI

« Ce qui empêche de lire dans la pensée d’autrui, ce n’est pas le silence d’autrui, ou même ses mensonges.

C’est le bruit que je fais dans ma tête à son sujet.

Avant d’aller à lui, je calcule, je pèse et contre pèse les mérites et les tords, je tire déjà ma conclusion. Cette conclusion, je la crie dans mes propres oreilles. Je m’enivre d’elle, je m’endors déjà sur elle.

Comment pourrais-je m’étonner ensuite de ne pas voir cet homme que j’ai enseveli sous mon vacarmes ? Je me suis dressé dans mon armure d’habitudes, dressé moi-même entre lui et moi. Je vais donc me tromper, être trompé, m’établir enfin dans ma solitude. »

Jacques Lusseyran. Le monde commence aujourd’hui.

Note de lecture :

renoncer à suivre les pensées qui s’imposent à moi. Ne pas lutter contre elles, mais découvrir cet instant où je renonce à suivre celle qui vient de me traverser. S’installer dans ce renoncement. Si une pensée survient et me happe, l’exercice n’a pas échoué. Il commence au contraire. Renoncer à suivre cette pensée. L’exercice recommence à tout instant.